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le Bref et après lui Charlemagne poursuivirent les Lombards à travers la plaine du Mont-Cenis. Un siècle plus tard, Charles le Chauve, qui s’était rendu en Italie à la voix du pape Jean VIII, mis dans l’impossibilité de tenir tête à Carloman, roi de Bavière, maître de la Lombardie, se hâta de revenir en France. Accablé d’inquiétude et de regrets, il fut pris d’une fièvre violente, traversa le Mont-Cenis dans une chaise à porteur et vint mourir à cinquante-quatre ans dans un pauvre village de la Maurienne, in vilissimo tugurio, suivant l’expression des vieilles chroniques du temps, qui attribuent la fin prématurée du malheureux roi à une potion suspecte que lui aurait administrée son médecin Sédécias.

En 1567, le duc d’Albe, nommé gouverneur des Flandres, traversa la Savoie avec un corps de 10,000 hommes. Un bataillon de 1,200 courtisanes, enrégimentées comme des soldats et soumises à la discipline militaire, figurait dans les cadres de son armée. Le duc se mit en route par le Mont-Cenis, le 2 juin, conduisant lui-même l’avant-garde, suivi du génie, qui devait aplanir la route. Durant son passage, le duc ne craignit pas de dire que quelques centaines d’hommes bien résolus auraient suffi pour l’arrêter, mais nul n’osa l’essayer.

En mai 1800, tandis que l’armée française, sous la conduite du premier consul, descendait du Grand-Saint-Bernard, 4,000 hommes, sous le général Thureau, défendaient le Mont-Cenis et devaient essayer de pénétrer à Turin. On songea bien un moment à diriger toute l’armée par cette voie, qui était la plus facile, mais l’inconvénient de déboucher au milieu des Autrichiens campés sous les murs de cette ville la fit abandonner.

Lors de la guerre d’Italie, en 1859, une partie de l’armée française fut dirigée sur le Mont-Cenis. La route, encombrée de neiges, ne permit aux soldats d’arriver à Suze qu’au prix de grandes difficultés. Les religieux de l’hospice les entourèrent de tous leurs soins et parvinrent à atténuer bien des souffrances.

L’hospice tient une place importante dans cette région. Sa fondation date du ixe siècle et remonte à Louis le Débonnaire, qui lui donna des rentes suffisantes pour secourir les voyageurs ; Lothaire Ier, en conformité des vues paternelles, assigna au nouvel établissement les revenus du monastère di Pagno, en Piémont, et en confia la direction aux religieux de la Novalaise. Son existence fut toujours précaire ; ce n’est qu’au commencement du siècle qu’il devait connaître de meilleurs jours. Après la bataille de Marengo, un décret du 21 février 1801 vint attester la sollicitude du vainqueur pour les établissemens hospitaliers des Alpes et pour celui du Mont-Cenis en particulier. « Il sera établi, disait le décret, sur le Simplon et sur