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le dire, tout cela n’est que gaminerie et enfantillage. La conception de M. Barrias était heureuse, parce que, d’une part, elle était conforme à la vérité historique, puisque Mozart était un virtuose célèbre à l’âge où l’on est encore à l’école, et que, d’autre part, l’action d’accorder un violon est une action connue, facile à comprendre, se prêtant admirablement, comme l’a prouvé l’habile artiste, au développement sculptural d’une attitude très vive et d’un geste très expressif. Il n’en est pas de même pour la plupart des petits bonshommes dont l’on nous veut faire prévoir maintenant les grandes destinées ; si leurs noms n’étaient pas inscrits sur leur socle, on ne se douterait guère de leur futur génie, et les actions auxquelles ils se livrent, actions qui ne dépassent pas la mesure de l’activité ordinaire des enfans, ne sont pas en elles-mêmes d’une nouveauté bien surprenante ni d’un effet très sculptural. Il est plus naturel, il est plus juste de représenter les grands hommes à l’heure où ils le sont devenus ; s’il nous semble à peine convenable de les montrer dans leur décrépitude, il nous semble presque ridicule de les vouloir deviner avant leur floraison. Le Hameau de M. Allasseur et le Racine de M. Allouard ne réalisent peut-être pas aussi complètement que possible l’idée qu’on a pu se faire de ces deux maîtres en l’art musical et en l’art poétique ; néanmoins, la manière dont tous deux se présentent dans leurs vêtemens de cour, abondans et pompeux, est infiniment plus respectable et plus digne. Dans ces sortes de représentation, l’imagination non plus ne gâte rien ; on en trouve la preuve dans le Boucher de M. Aubé. Le décorateur des boudoirs, nonchalamment assis sur un de ces rochers moelleux qui meublent les paysages bleus des trumeaux, trempe son pinceau dans la couleur d’une palette idéale qui lui est présentée par un Amour bouffi et gambadant. Le caractère galant et décoratif du talent de Boucher est infiniment mieux exprimé par cette aimable fantaisie, traitée vivement avec toute la désinvolture indispensable, qu’il ne l’eût été par une image plus exacte et plus réelle du peintre des grâces.

Si les documens précis font parfois défaut à ceux de nos artistes modernes qui veulent ressusciter les hommes et les femmes du passé, on peut croire que les artistes futurs ne se trouveront pas dans le même embarras, car on ne s’est jamais fait si volontiers portraiturer que de notre temps. Les bustes ne sont pas moins nombreux au Salon que les portraits peints ; la plupart sont, il faut bien le dire, médiocres et détestables ; toutefois, il en est un petit nombre qui sont des œuvres remarquables et quelques-uns qui sont des chefs-d’œuvre. La liberté avec laquelle nos habiles sculpteurs interprètent la figuré humaine et la variété des moyens qu’ils emploient pour mettre en relief les physionomies individuelles rendent cette