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ÉRASME ET L’ITALIE
D’APRÈS DES LETTRES INÉDITES D’ÉRASME

Érasme est l’homme de la renaissance. S’il faut choisir un nom pour caractériser cette période glorieuse, le sien vient le premier à l’esprit. Dans la révolution morale qui secoua l’Europe du Nord engourdie par la scolastique, pour la ramener au mouvement et à la vie, nul n’a dépensé plus de forces, ni utilisé plus de talent. Nul aussi, parmi les travailleurs à l’œuvre commune, ne mérite d’être étudié avec plus de sympathie. Cette étude, il est vrai, est fort délicate. La grande figure d’Érasme participe trop à l’extrême complexité de son époque. Les hommes d’une activité aussi multiple, d’une vie aussi mêlée à leur temps, sont difficiles à bien connaître. On les apprécie souvent d’après des témoignages sans contrôle ; on les condamne en bloc sur certains défauts saillans ; ou encore on les glorifie pour ce qu’ils ne furent pas. Mais l’érudit qui les cherche sincèrement dans leurs livres et prend la peine de les replacer dans leur milieu, découvre en ces âmes singulières tant de côtés inattendus qu’il aime mieux laisser à d’autres le soin de les juger, et les goûter que les définir.

L’écrivain de France qui a le mieux compris Érasme, et qui a eu le rare mérite de parler de lui pour l’avoir lu, est certainement M. Désiré Nisard[1]. Après avoir étudié le philosophe de Bâle, après avoir expliqué, avec autant de mesure que de finesse, son rôle

  1. Voyez la Revue des 1er  et 15 août et du 1er septembre 1835.