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tributaires. Israël va former un véritable royaume, en sûreté derrière ses frontières et, pour un temps, dominant les états limitrophes.

Ce qui avait caractérisé l’époque des Juges et amené les défaites d’Israël, c’étaient le manque de précaution, l’infériorité de l’armement. David fit faire des provisions d’armes défensives, que l’on gardait dans la citadelle de Jérusalem. Jusque-là le gibbor avait été propriétaire de ses armes, lesquelles de la sorte se trouvaient souvent de qualité inférieure ou mal entretenues. L’homme de guerre fut maintenant équipé par le roi, et ces innombrables épisodes où le Philistin, puissamment casqué, avec sa longue lance et ses cuirasses perfectionnées, narguait l’Israélite armé d’une simple fronde ou d’une courte épée, ne se présentèrent plus.

Une armée, dans les temps anciens, avait presque toujours pour origine une bande de pillards, ou, ce qui revient au même, de gens ne voulant pas travailler et résolus de vivre du travail des autres. Naturellement ces brigands, une fois leur autorité reconnue sur une certaine surface de pays, devenaient les protecteurs-nés de ceux qui travaillaient pour eux. C’est ainsi que l’ordre a été créé dans le monde par le brigand devenu gendarme. Les hommes qui réussirent, avec David, à faire d’Israël une patrie, avaient partagé sa vie d’aventures. Ces hommes, presque tous Bethléhémites ou Benjaminites, durent avant tout s’armer ; le pillage des Amalécites les y aida. Beaucoup d’individus énergiques des tribus voisines se mirent avec eux. Les Chananéens ou Hittites paraissent avoir été dans la bande sur le même pied que les Israélites. Il y avait aussi des Arabes, des Araméens, des Ammonites. Enfin les Philistins, comme nous le verrons, fournirent un contingent considérable.

Parmi ces compagnons, que le fils d’Isaï savait retenir autour de lui à force d’habileté, de charme, et surtout en leur procurant de beaux profits, un homme dominait tous les autres par sa capacité militaire : c’était Joab, fils de Serouïa, qui fut le lieutenant de David dans toutes ses conquêtes, comme il avait été le principal instrument de sa fortune. Son frère Abisaï le secondait habilement. Le dévouement de ces hommes à leur chef ne connaissait pas de bornes. David était personnellement d’une grande bravoure ; mais il était petit et ne paraît pas avoir été très résistant à la fatigue. Un jour, dans une expédition contre les Philistins, partie de Jérusalem, il fut obligé de s’arrêter à Nob. Un autre jour, il faillit être tué par un Philistin. A partir de ce moment, ses compagnons firent ce qu’ils parent pour l’empêcher de payer de sa personne, l’assurant que sa vie était trop précieuse pour être ainsi exposée, en réalité parce que la présence de leur ancien chef, devenu roi et légèrement obèse,