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de déclarer qu’il ne voulait pas de protection en dehors de celle de saint François, que toutes les autres protections lui paraissaient peu de chose auprès de celle-là, qu’il voulait devoir son salut à saint François tout seul ; assertions qui l’entraînaient à une sorte de dédain apparent pour les autres saints. Cela impliquait-il, cependant, que dans sa pensée il fallût détruire les églises des autres bienheureux, les chasser du paradis ? Non ; c’était l’expression ardente d’une adulation qui impliquait bien dans la forme quelque chose de peu flatteur pour les autres personnages surhumains, mais non la négation directe de leur existence. Ce franciscain ardent, déclarant à tout propos qu’il ne connaissait que saint François, n’en invoquait pas moins saint Roch en temps de peste, ou saint Nicolas en ses voyages de mer. Ainsi David put très bien n’avoir ostensiblement le culte que d’un seul dieu protecteur, sans trouver mauvais qu’un de ses fils s’appelât Baaliada, ni qu’on sacrifiât à Milik sur les hauteurs voisines de Jérusalem, ni que, tour à tour., dans un même endroit, on sacrifiât à Iahvé, à Baal, et à Milik.

Ce n’est pas directement, d’ailleurs, c’est indirectement et par voie de conséquence, que David exerça une influence de premier ordre sur la direction religieuse d’Israël. Par la construction de Jérusalem, il créa la future capitale du judaïsme, la première ville sainte du monde. Cela ne fut guère dans ses prévisions. Sion et les lourds bâtimens qui la couronnaient furent pour lui une forteresse, rien de plus. Cependant il posa la condition de la future destinée religieuse de cette colline, car il commença d’y centraliser le culte national, Iahvé s’acheminait lentement vers la colline qu’il avait choisie. Grâce à David, l’arche d’Israël trouva sur la colline de Sion la fin de ses longues pérégrinations.

A l’avènement de David, le meuble sacré était à Kiriat-Iearim, dans la maison d’Abinadab, sur la hauteur. Par suite de la funeste bataille d’Afek, l’arche avait été perdue pour Silo et la tribu d’Éphraïm, qui l’avaient gardée auparavant. David tenait essentiellement à doter sa nouvelle capitale de cet objet, dont l’importance politique ne pouvait échapper à son esprit clairvoyant. La cérémonie de translation fut solennelle[1]. La distance de Kiriat-Iearim à Jérusalem est d’environ deux lieues. On fit un char neuf, sur lequel on mit le précieux coffre avec ses keroub des bœufs le traînaient. Les deux fils d’Abinadab, Uzza et Ahio, marchaient devant. David et le peuple dansaient devant Iahvé, au son des cinnors, des harpes, des tambourins, des sistres et des cimbales.

Iahvé était un Dieu terrible ; on se rappelait que les Philistins

  1. II Sam., ch. VI, récit vrai au fond, entouré de circonstances légendaires.