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Le transport de l’eau se faisait, ensuite au moyen de petits bassins, qui n’étaient que le cinquantième de la grande vasque. Ces bassins étaient posés sur des mekonot mobiles, ou trains à quatre roues, qu’on conduisait à la main où l’on voulait. Les trains passaient pour des petits chefs-d’œuvre de sculpture. Les roues tournantes étaient ajustées à leurs essieux par le système de leviers coudés le plus élégant et le plus perfectionné. Des écussons sculptés offraient les motifs ordinaires de la décoration salomonienne : lions, bœufs, keroubs, palmes, guirlandes festonnées. Le récipient des bassins semblait une sorte de chapiteau évasé. Ces dix élégans appareils étaient rangés, cinq par cinq, des deux côtés de l’entrée.

Les autres ustensiles des sacrifices, les pots, les pelles, les patènes, furent faits du même travail. Nous n’avons qu’une notice insuffisante sur quarante-huit autres colonnes que Hiram aurait fait fondre pour le temple et pour le palais de Salomon. Ces immenses travaux de fonte d’airain ne furent pas faits à Jérusalem, où le sol ne s’y prêtait pas. Ils furent coulés dans le terrain argileux de la vallée du Jourdain, entre Succoth et Sarthan.

L’orfèvrerie d’or n’était pas moins prodiguée. Outre les chandeliers d’or, il y avait des lécythes, des couteaux, des jattes, des, plateaux, des éteignoirs en or fin ; Les gonds des portes, dit-on, étaient d’or. De plus, le trésor du temple contenait les objets précieux que David avait rapportés de ses expéditions dans l’Aram et le Nord, et qu’il avait consacrés à Iahvé.

Déjà, on le voit, l’art d’Israël excluait les représentations de la figure vivante, les scènes de la vie humaine, les images d’objets réels, bornant volontairement ses ressources aux fleurs conventionnelles, aux animaux conventionnels aussi, aux êtres fantastiques. C’est là un fait capital ; car il est bien difficile d’admettre que, sur ce point, les idées du temps des rois piétistes aient eu un effet rétroactif, et que toutes les descriptions des œuvres salomoniennes aient été faussées. C’est ici la meilleure preuve que le iahvéisme puritain prêché par les prophètes avait ses racines dès l’époque de David et de Salomon. C’est l’anthropomorphisme surtout qui était redouté. La plastique était admise, pourvu qu’elle ne s’appliquât à rien d’existant dans la nature. Les keroubs étaient un emblème tout païen ; à l’époque de Salomon, c’étaient des sphinx ; plus tard, ce furent des monstres assyriens. Les palmes, les grenades, les coloquintes, qui formaient les motifs principaux des décorations murales, avaient des liens avec le culte du soleil. En admettant que les piétistes aient pu marteler d’anciens reliefs plus vivans, il est douteux qu’ils y eussent substitué une décoration qui elle-même était de nature à soulever dans leur esprit des scrupules fondés.

Quand le temple fut achevé, l’installation de l’arche s’y fit avec