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qui dominait. Salomon fut ainsi tour à tour paraboliste, naturaliste, sceptique, magicien, astrologue, alchimiste, cabbaliste. Un seul passage ancien présente à cet égard une demi-valeur historique.

« Dieu donna à Salomon une science et une sagesse extraordinaires, et un esprit aussi étendu que le sable des rivages de la mer. Et la science de Salomon surpassa celle de tous les Arabes et toute la science de l’Egypte. Il s’éleva en sagesse au-dessus de tous les hommes, au-dessus d’Éthan l’Ezrahite, de Héman, de Calcol, de Darda, fils de Mahol, et son nom se répandit chez les nations environnantes. Et Salomon prononça trois mille masal (proverbes ou paraboles) et composa cinq mille sir (chants lyriques). Et il traita de tous les arbres, depuis le cèdre qui croit sur le Liban, jusqu’à l’hysope qui sort des murailles, et il traita des quadrupèdes, des oiseaux, des reptiles et des poissons. Et on venait de tous les pays entendre la science de Salomon, de la part des rois qui avaient ouï parler de sa sagesse. »

Ce passage a été écrit à une époque où Salomon était déjà devenu un personnage légendaire, et où l’on ne se refusait à son sujet aucune exagération. La seule partie de la littérature hébraïque actuellement conservée qu’on pourrait attribuer à Salomon, c’est la partie du Livre des Proverbes qui s’étend du verset 1er du chapitre X au verset 16 du chapitre XXII. Mais, si ce petit recueil de proverbes remonte effectivement au temps de Salomon, ce n’est pas là une œuvre personnelle ; tout au plus, pourrait-on admettre que Salomon fit faire la collection. Jamais personne n’a composé des proverbes comme un ouvrage suivi et de propos délibéré. Non-seulement nous n’avons aucun écrit de Salomon ; mais il est probable qu’il n’écrivait pas. Nous nous le figurons bien plutôt comme un khalife de Bagdad, amusé par les lettrés qui compilaient pour lui, comme un Haroun-al-Raschid, entouré de chanteurs, de conteurs, de gens d’esprit, avec lesquels il prenait volontiers le ton de confrère et de collaborateur.

Un premier recueil de proverbes put être ainsi composé dans l’entourage de Salomon. Peut-être s’y joignit-il une histoire naturelle enfantine, description des créatures, en commençant par les plus grandes et finissant par les plus petites, ou bien des moralités tirées des animaux et des plantes. Les sir, de même, n’ont pu être des compositions réfléchies, faites artificiellement dans le loisir de l’homme de lettres. L’essence du sir était d’être inspiré directement par une circonstance déterminée. Ici encore, on pourrait supposer qu’il est question d’une compilation, et on aimerait à croire qu’il s’agit du Iasir ou Iasar, si de fortes raisons n’invitaient à