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contributions, et les tribunaux de l’état admettent la validité du décret parlementaire. Mais la cour suprême décide que la taxe est inconstitutionnelle, de sorte que le principe fondamental du droit public, l’égalité de tous les citoyens devant l’impôt, cède ici le pas au principe essentiel du droit privé, l’inviolabilité des contrats[1].

Indépendamment d’un contrat formel qui l’oblige, la puissance législative n’a-t-elle pas des limites en matière fiscale ? Oui, répond la cour supérieure de l’état d’Iowa, les limites mêmes de la justice et de l’équité. Toute taxe qui ne porte pas le caractère d’utilité publique manifeste, ou qui pèse injustement sur quelques districts, est un abus de pouvoir, et par suite doit être réputée nulle. « La loi qui l’établit tombe sous le coup des prohibitions constitutionnelles destinées à protéger les droits privés contre toute oppression, quelle qu’en soit la forme, quelle que soit l’autorité, reconnue ou non, qui s’en fasse l’instrument. »

Il n’est pas jusqu’aux actes émanant des conventions constituantes d’un état particulier, c’est-à-dire de la souveraineté populaire dans cet état, qui ne puissent être infirmés par le pouvoir judiciaire, même local. Le peuple de l’Illinois se donne, en 1870, une constitution toute neuve, dont un article, assimilant les chemins de fer aux voies publiques, place les compagnies sous la haute main du gouvernement. Mais les juges locaux tiennent pour non avenue la constitution de l’état, comme contraire à la constitution fédérale[2]. Pour les mêmes motifs, la magistrature de Californie refuse d’appliquer les lois organiques nouvelles, votées par la majorité provinciale sous la pression des agitateurs socialistes.

Les complications du système fédératif, les règles délicates déterminant la hiérarchie gouvernementale deviennent aussi la source de discussions et de conflits sans fin. D’ailleurs, une loi quelconque met presque toujours aux prises le gouvernement central

  1. De nos jours, la cour suprême a été accusée de ne plus protéger suffisamment les citoyens contre la violation des engagemens contractés envers eux par l’état, et de rompre avec son ancienne jurisprudence, consacrée par plus de soixante précédens. Les deux arrêts, rendus en mars 1883 dans les affaires relatives aux bons d’état de la Virginie et de la Louisiane, reconnaissaient la validité de l’acte des législatures qui avait réduit la dette locale, et autorisaient ainsi, disait-on, la banqueroute partielle ou totale des états particuliers, sans laisser aucun recours à leurs créanciers, en dépit des contrats formels liant los états. Suivant certains légistes, au contraire, les jugemens cités et d’autres plus récens encore (13 décembre 1887) ne sont que la constatation judiciaire du droit des états de ne pas être appelés en justice par un citoyen, d’après le XIe amendement constitutionnel. On ne saurait se prononcer aisément sur la valeur exacte et la portée d’une sentence au sujet de laquelle la cour même n’était pas unanime.
  2. Peut-être serait-il prudent de faire ici des réserves. La magistrature locale, élue, est soumise à bien des influences diverses, qui font parfois suspecter les motifs de ses décisions.