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qu’après les jeux de la première enfance tout le monde étudie, et toute la jeunesse est contrainte de fréquenter les écoles :


« Hoc servant Itali post prima crepuadifu cuncti,
Et sudare acolis mandatur tota juventus. »


Admettons qu’il y ait là quelque exagération, et que l’imagination du poète ait embelli la réalité, il n’en reste pas moins certain qu’en 1045 il y avait des écoles dans les villes italiennes et qu’à distance elles paraissaient très florissantes.

Parmi ces écoles, Bologne prit de bonne heure la première place. Un vieux professeur bolonais, Odofredus, s’est plu à faire, pour son université, une généalogie glorieuse. Rome, nous dit-il, a été d’abord le centre des études juridiques : il était naturel qu’auprès de l’empereur, qui faisait la loi, il y eût une élite de jurisconsultes pour le conseiller. Plus tard, le siège de l’empire ayant été transporté à Ravenne, les jurisconsultes y suivirent le prince : ce fut, pour ainsi dire, la seconde résidence du droit romain. Quand Ravenne à son tour déclina, il trouva un asile dans une ville voisine, à Bologne. C’est ainsi que l’école bolonaise se rattachait à Rome, et que ses professeurs se donnaient pour les héritiers directs des Papinien et des Ulpien.

Un de ces professeurs, au commencement du XIIe siècle, jeta plus d’éclat que les autres ; il s’appelait Irnerius, et ses contemporains, émerveillés de sa science, le surnommèrent « la lumière du droit, » lucerna juris. Comment avait-il pu mériter tant d’admiration, et d’où lui est venue cette situation particulière qu’il occupe dans l’école ? Il ne l’a pas fondée, comme semble le dire Odofredus (qui primus docuit in civitate), puisqu’un peu plus loin, le même Odofredus parle d’un de ses prédécesseurs, un certain Pepo, dont M. Fitting a retrouvé le nom dans un acte de 1076 ; il n’est pas le premier non plus qui ait écrit des gloses, c’est-à-dire l’explication raisonnée des termes dont se servaient les jurisconsultes de Rome, puisqu’on en trouve dans des manuscrits plus anciens. Il est donc probable qu’Irnerius n’a guère fait que ce qu’on faisait avant loi, mais il a dû le mieux faire que les autres : il a si bien perfectionné l’enseignement du droit qu’au bout de quelque temps on a cru qu’il l’avait créé.

M. Comparetti, dans son livre intitulé : Virgile au moyen âge, a fait, à propos de la renaissance des lettres, une remarque juste et profonde. On a longtemps expliqué le réveil de l’antiquité grecque et latine par un hasard, heureux qui aurait fait retrouver, dans les bibliothèques, les livres anciens qu’on avait perdus. Ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées ; les anciens livres n’ont jamais été