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plus de leçons extraordinaires, quia scolares non sunt boni pagatores, quia volunt scire et nolunt solvere. Dans ces conflits, la ville était toujours tentée de prendre parti pour l’écolier, et faisait à chaque fois des règlemens plus rigoureux pour fixer les honoraires des professeurs. Elle ne se contentait pas de veiller sur les intérêts des étudians, elle songeait aussi à leurs plaisirs. Une loi, dont ils ont dû souvent abuser, leur permit de lever une taxe sur les Juifs pour fournir aux dépenses des festins du carnaval.

Parmi les étrangers, ou ultramontains, comme on les appelait, qu’attirait la réputation de Bologne, et sans doute aussi l’accueil bienveillant qu’on y recevait, les Allemands étaient fort nombreux. Ces affamés de science se plaisaient à venir étudier le droit romain dans une ville où le vieil empire germanique avait trouvé, en tout temps, de zélés défenseurs. Mais il y avait aussi beaucoup de Français ; ils formaient huit nations sur les dix-huit dont se composaient les ultramontains, et il est resté quelques souvenirs assez curieux de leur séjour. Dernièrement encore, M. Léopold Delisle a découvert, dans un manuscrit qui remonte aux premières années du XIVe siècle, la lettre d’un étudiant, qui de Bologne, où il est tombé gravement malade, écrit à son père, en France, pour lui demander de le faire revenir sans retard. Il lui dit qu’il ne compte plus, pour sa guérison, que sur le retour au pays natal, et le prie d’envoyer, pour le ramener au plus vite, un de ses serviteurs, avec un cheval et une bourse bien pleine[1].

Après tant de siècles, les étudians du monde entier sont encore revenus à Bologne ; elle a revu comme autrefois les nations de France et d’Allemagne, et tout ce passé a paru ressuscité pour quelques jours. Qui sait si, parmi ces jeunes gens dont j’ai entendu retentir les chants joyeux, ne se trouvaient pas quelques petits-fils de ceux qui vinrent écouter ici les leçons d’Azo, d’Odofredus ou d’Alciat ?


III

La présence des étudians et la large part qui leur était faite constituaient la véritable originalité des fêtes de Bologne. Dans le reste, il n’y avait rien qui ne fût connu. Quoique l’usage de célébrer ces sortes d’anniversaires soit assez récent (il a commencé, je crois, à Upsal, en 1877), il s’est établi bien vite un rituel dont on ne s’écarte guère. A Leyde, à Edimbourg, à Heidelberg, les choses

  1. Cette lettre fait partie d’un recueil composé, vers 1315, par un maître d’école du diocèse de Tréguier, qui est entré récemment à la Bibliothèque nationale.