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épousa, sous le nom de comtesse de Schauenbourg, qu’elle échangea plus tard contre celui de princesse de Hanau, un descendant du grand protecteur de la réforme.

Le mariage de l’électeur fut un des scandales de l’époque. Il eut, à Berlin surtout, le plus fâcheux retentissement. Les deux cours étaient étroitement apparentées. La mère de l’électeur était une princesse de Prusse, la fille de Frédéric-Guillaume II. Sa vie fut un martyre ; elle eut à subir les outrages d’un mari dépravé et plus tard les procédés tracassiers d’un fils qui, pour la punir de ses hauteurs envers sa femme morganatique, allait jusqu’à lui refuser l’accès de son théâtre. Les relations entre les deux cours s’altérèrent. Aggravées par des questions de partage, elles furent rompues au décès de l’électrice, dont le roi, Frédéric-Guillaume IV, était l’exécuteur testamentaire. La politique en ressentit le contre-coup. Les princes de Prusse évitèrent Cassel, et lorsqu’ils y passaient, ce n’était que pour saluer la sœur de l’électeur.

La princesse Caroline vivait modeste, effacée. Elle se donnait parfois le luxe d’inviter le corps diplomatique à des goûters où l’on servait du fait caillé au pain noir, relevé, il est vrai, par la simplicité et la bonhomie qu’elle mettait à l’offrir. Lorsqu’elle termina sa monotone et inoffensive existence, l’électeur la fit enterrer sans apparat. Elle repose dans le cimetière de Cassel, sous le gazon, comme une déshéritée, sans un marbre rappelant son origine. Son frère ne savait ni respecter les vivans ni honorer les morts. L’influence de l’Autriche à la suite de la brouille entre Berlin et Cassel devint prépondérante. Libre de tout lien de famille, loin de se plaindre des faiblesses des électeurs, elle les favorisait en donnant des titres à leurs maîtresses. Le prince de Metternich combla Mme de Schauenbourg de prévenances, et lorsque, sur son désir, l’archiduc Etienne se rendit à Cassel, elle fut traitée comme jadis le comte de Kaunitz traita Mme de Pompadour, avec des honneurs presque souverains. Sa position, cependant, était fausse. Le corps diplomatique résista longtemps avant de lui faire sa cour ; pour les dames surtout, la question était délicate. Il était difficile de l’ignorer et plus difficile encore de la traiter comme une princesse du sang. Elle échappait à l’étiquette. La comtesse de Béarn, la femme de l’un de nos envoyés, voulut bien à son arrivée lui faire l’honneur d’une visite de courtoisie, mais elle se montra peu disposée à solliciter une audience ; son refus provoqua un grave incident. A une soirée de l’électrice mère, son fils, dont la susceptibilité était excessive, donna cours à son ressentiment. Non-seulement il lorgna fixement Mme de Béarn, mais il la toisa en passant à ses côtés, et demanda à ses entours, de façon à être entendu, qui était cette femme « Was