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ÉPICURE
SON ÉPOQUE, SA RELIGION
D’APRÈS DE RÉCENS TRAVAUX

I. Droysen, l’Hellénisme, traduction française, sous la direction de M. Bouché-Leclercq. — II. Guyau, la Morale d’Épicure, 3e édition. — III. Mayor, Traité de la nature des dieux, de Cicéron, édition avec notes. — IV. Usener, Epicurea.


I

La place de l’épicuréisme dans l’histoire de l’esprit humain est considérable et hors de toute proportion avec le génie de l’auteur même du système. Épicure, — les anciens l’avaient déjà remarqué, — n’est pas original. Sa physique, on le sait, il l’emprunte presque tout entière à Démocrite, et, pour ce qu’il y ajoute, il la gâte plutôt qu’il ne l’améliore. Sa morale, on le sait également, avait été esquissée dans ses traits principaux par les cyrénaïques et les sophistes. Ce qui fait l’intérêt durable de sa philosophie ne lui appartient pas. Qu’est-ce donc qui explique le prestige du nom d’Épicure, et fait qu’une doctrine, déjà constituée avant lui dans ce qu’elle a d’essentiel, est et sera toujours dans l’histoire l’épicuréisme ?

Il me paraît qu’on en peut donner plusieurs raisons. La première, et la moins importante, c’est peut-être qu’Épicure crut et sut faire croire à ses disciples qu’aucun philosophe digne de ce nom n’avait