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M. le président de la république, à son tour, dans les divers discours qu’il a prononcés à Vizille comme à Grenoble, a parlé avec la mesure d’un magistrat supérieur aux passions de parti. Il a fait ce qu’il a pu pour rappeler qu’il y avait une constitution, un chef de l’état destiné par ses fonctions mêmes à être un modérateur ; il n’a pas pu empêcher le radicalisme de déborder de toutes parts, de triompher à Grenoble avec M. Floquet, à Romans avec le vieux M. Madier de Montjau, qui s’est répandu en objurgations, en effusions pathétiques, et qui a fini par embrasser tout le monde, confondant dans ses embrassemens désordonnés M. le président Carnot, le ministère radical et « la république à jamais victorieuse ! »

Oui, sans doute, au milieu de toutes ces mêlées et de ces manifestations du jour, M. le président de la république représente encore une modération relative, une certaine force instinctive de résistance ou de stabilité. Il est modéré par lui-même, il sent que le pays est modéré. Il met dans ses discours, autant qu’il le peut, de la mesure, de la prudence. Aux chefs du clergé qui vont lui porter leurs hommages officiels, il parle, non peut-être sans quelque embarras, de tolérance ; il leur assure qu’il est le chef d’un gouvernement de conciliation ; mais c’est là la question. M. Carnot n’est que M. Carnot ; et c’est M. le président du conseil qui gouverne, qui prétend représenter au pouvoir la politique radicale, qui la représente, en effet, et par sa jactance, et par ses faiblesses, et par cet esprit d’incohérence anarchique dont il est une des expressions les mieux réussies. M. Carnot peut être ce qu’il voudra ; — le ministère est radical, il tient à le paraître et par ses discours et par ses actions, à n’avoir que des alliances radicales, même, si l’on veut, des alliances communistes ou socialistes. Il veut bien être en bonne amitié avec un vieux revenant de la commune, M. Félix Pyat, qui, aux derniers jours de la session, lui a adressé une question dans les termes les plus grossiers, les plus outrageans pour tout le monde, excepté pour M. le président du conseil ; il ne peut pas même supporter une simple dissidence de la part d’un vieux sénateur républicain qui a pris la liberté de l’interpeller sur les fraudes électorales d’un maire condamné par la justice, — et pour ce crime il a enlevé à M. Marcou la présidence de la distribution des prix de Carcassonne. Bien entendu, un des articles du programme ministériel est la menace toujours suspendue sur ce qui reste de paix religieuse en France. Que M. le président Carnot parle de tolérance et de conciliation, c’est son affaire : pendant ce temps, M. le ministre de l’instruction publique saisit la première occasion d’aller faire de la politique radicale avec les instituteurs et les institutrices, en leur rappelant qu’ils sont créés pour entrer en guerre avec le curé, que l’école est l’ennemie de l’église ! Il n’est pas jusqu’à M. le ministre des travaux publics qui, à l’inauguration d’un chemin de fer sur les Alpes,