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sud, à travers le pays montagneux, il voulait atteindre Rassoul, et surtout Brezina, sur l’autre versant du massif, au seuil du grand désert, du véritable Sahara. C’était là que les grands nomades avaient leurs intérêts ; c’était là qu’ils avaient leurs dépôts et leurs moyens de trafic. Aux abords de Rassoul, la colonne reçut les premiers coups de fusil qu’elle eût encore entendus ; des voleurs essayèrent d’enlever les chameaux du convoi. En punition de l’attentat, Rassoul fut détruit en partie le 27.

Le 29, pendant une halte dans le défilé d’El-Arouïa, que les soldats nommèrent « la porte du désert, » un homme se présenta au colonel au nom des habitans de Brézina, qui, disait-il, n’attendaient, pour faire leur soumission, que l’arrivée de la colonne. Il s’offrit et on l’accepta naturellement pour guide. Le défilé, tortueux, coupé de ravins qui s’entre-croisaient dans tous les sens, était un vrai labyrinthe. Après une heure de tours et de détours, la colonne se retrouva, toute surprise, à son point de départ. L’homme l’avait évidemment et volontairement égarée ; le capitaine Deligny, chargé de surveiller les guides, lui fit sauter la cervelle. Pour donner aux gens de Brézina le temps de fuir avec leur fortune, cet homme s’était dévoué à la mort ; cet homme était un héros. Il fallut bivouaquer sur place et le lendemain faire le coup de fusil. Après trois heures d’une marche pénible, par une chaleur suffocante, au détour d’un rocher, on aperçut tout à coup, au milieu d’une forêt de palmiers, Brézina. Avant d’y atteindre, il y eut un petit combat de cavalerie. Le ksar était totalement vide.

Le 1er mai, la mine ouvrit une brèche dans les murs d’argile, et la colonne se mit au retour. Le passage d’El-Arouïa ne fut pas disputé. Le 2, on aperçut une grosse troupe d’Ouled-Sidi-Cheikh qui fit défier par un héraut le colonel pour la matinée du lendemain. Le colonel ne voulut pas les faire si longtemps attendre ; dans la journée même, à trois heures, il vint à eux. Le combat fut vif ; le goum, qui avait engagé l’attaque, fut d’abord repoussé ; mais les chasseurs ayant pris l’affaire à leur compte, l’ennemi, malgré sa bravoure, se vit forcé de quitter la place. Le 11 mai, le colonel Géry rentra dans le Tell par Frenda.

Parallèlement à cette expédition, le général Marey en avait fait une autre à l’est, dans le bassin des Zahrez, pour châtier les Ouled-Naïl, coupables d’avoir intercepté, au mois de mars, la contribution de la zekkat, c’est-à-dire les troupeaux que conduisait à Médéa le khalifa de Laghouat. « Cet événement, écrivait au ministre de la guerre le maréchal Bugeaud, ne serait probablement pas arrivé si, depuis six mois, nous n’étions restés immobiles. L’offensive, le plus souvent possible, ou du moins la force souvent montrée au loin, voilà la condition indispensable de notre