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de ceux qui, avec Sidi-el-Aribi, avaient donné, un mois auparavant, la chasse à Bou-Maza fuyant du Dahra dans l’Ouarensenis. Le cortège de noce marchait allègrement, au son de la musique arabe, quand, au détour d’un chemin, on aperçut une troupe de cavaliers, des amis sans doute qui venaient faire honneur à l’agha. Les rangs s’ouvraient pour leur laisser la place d’honneur, quand tout à coup ils répondirent à la politesse par une décharge à bout portant. El-Hadj-Ahmed fat tué. C’était Bou-Maza qui avait reparu subitement pour la vengeance ; après quoi il disparut de nouveau. Il était rentré chez les Ouled-Djounès.

Le prestige qu’il exerçait, non pas seulement autour de lui, dans le Dahra, dans l’Ouarensenis, mais au loin, dans l’est, était si grand qu’il y eut bientôt des fanatiques à son image, des illuminés qui s’emparèrent et se parèrent de son nom. Au commencement du mois de septembre, peu de jours après le départ du maréchal pour la France, de l’embouchure du Chélif à Dellys, de l’Atlas au désert, l’Algérie était en insurrection. Le feu qui, depuis la révolte du printemps, couvait assoupi sous la cendre, jaillit de cinq ou six foyers à la fois comme des cratères distincts d’un volcan unique, et chacun de ces foyers était attisé par un Bou-Maza : Bou-Maza des Beni-Mnacer, Bou-Maza des Beni-Féra, Bou-Maza des Beni-Zoug-Zoug, Bou-Maza du Dira, Bou-Maza du Sebaou.

Le vrai, celui des Ouled-Djounès, avait quitté sa retraite, et traversant le Chélif, s’était porté, par l’Ouarensenis, chez les Flitta qu’il avait trouvés en armes. Le général de Bourjolly, sorti de Mostaganem, avec une colonne de quatre petits bataillons et de deux escadrons, était, le 18 septembre, au centre de l’insurrection. Le 19, il fut attaqué violemment, forcé de reculer, et suivi, sinon poursuivi, pendant plusieurs jours, par des masses de plus en plus nombreuses, car aux Flitta étaient venus se joindre les Beni-Ouragh. Le 23, notamment, ses pertes s’élevèrent à 22 tués et à 60 blessés ; au nombre des morts était le lieutenant-colonel Berthier, du 4e régiment de chasseurs d’Afrique. Enfin, il put gagner, à Relizane sur la Mina, une bonne position défensive. Le colonel Géry, de Mascara, le colonel de Saint-Arnaud, d’Orléansville, essayèrent d’arriver à lui : telle était la force de l’insurrection qu’il ne leur fut pas possible d’y parvenir.

Pour Bou-Maza, le triomphe était grand. Si l’on veut se faire une idée de l’influence qu’il avait prise et de l’état général des esprits chez les indigènes, il faut entendre un de ses homonymes, le Bou-Maza des Beni-Zoug-Zoug. C’était comme lui un tout jeune homme, qui se disait son frère. Livré par les Arabes déçus à l’autorité française et traduit devait un conseil de guerre, il répondit fièrement aux questions qu’on lui fît et qui touchaient moins à lui qu’au