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Hamza. Le 23, le maréchal reprit au général Gentil ses vieilles bandes et à leur tête fit dans Alger, le lendemain, une rentrée saisissante.

« La sérénité du maréchal dans cette redoutable crise, a dit le général Trochu, qui était alors son aide-de-camp, — on pourrait dire sa gaité, — nous remplit d’étonnement et d’admiration. Ce calme profond d’un chef responsable, sur qui la presse algérienne et métropolitaine s’apprêtait à déchaîner toutes ses colères, et aussi des veilles continuelles, des fatigues excessives pour son âge, furent, dans cette campagne ultra-laborieuse, des faits qui mirent dans un nouveau relief la vaillante organisation morale et physique du gouverneur. De cette campagne, qui ne fut marquée par aucune action militaire éclatante, le maréchal parlait souvent avec complaisance, et c’était à bon droit. Elle fut l’une des plus grandes crises, la plus grande crise peut-être de sa carrière algérienne. Quand il rentra dans Alger avec une capote militaire usée jusqu’à la corde, entouré d’un état-major dont les habits étaient en lambeaux, marchant à la tête d’une colonne de soldats bronzés, amaigris, à figures résolues, et portant fièrement leurs guenilles, l’enthousiasme de la population fut au comble. Le vieux maréchal en jouit pleinement ; c’est qu’il venait d’apercevoir de très près le cheveu auquel la Providence tient suspendues les grandes renommées et les grandes carrières. »

Le maréchal ne fit que toucher à Alger ; il en repartit le 5 mars, sur la nouvelle qu’Abd-el-Kader avait essayé, inutilement il est vrai, de rétablir son influence parmi les tribus du Djurdjura. Une grande assemblée des djemâa, c’est-à-dire des communautés kabyles, convoquée à Rordj-bou-Kéni le 27 février, était demeurée sourde aux instances qu’il lui avait fait faire. Afin d’encourager ce revirement pacifique, le maréchal reprit, à la tête d’une colonne de 5,000 hommes, la direction de Tisser. Sa seule approche suffit à faire tomber les dernières hésitations et à décider la retraite définitive d’Abd-el-Kader, de Ben-Salem et de tous les agens d’insurrection. Il revint donc à Alger le 18 mars, pour recevoir le duc d’Aumale et le prince Auguste de Saxe-Cobourg, son beau-frère. Comme le général Bedeau s’en retournait dans la province de Constantine, le duc d’Aumale prit à sa place le commandement supérieur du Titteri.


VII

L’apparition d’Abd-el-Kader dans le Djurdjura marque la limite extrême de son aventureuse entreprise ; dès lors, il va lutter encore