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des duchés contre leur souverain légitime[1]. On posait ainsi, au mois de mars 1848, la question qui devait être la cause primordiale de la guerre de 1866, et, par ses conséquences, de celle de 1870.

Tout citoyen allemand majeur fut déclaré électeur et éligible, sans aucune condition de cens. Pour bien marquer que toutes les barrières politiques étaient tombées, on admit l’éligibilité indistinctement dans tous les états. Les Prussiens pouvaient être nommés en Autriche et les Autrichiens en Prusse, les Bavarois en Hanovre et les Saxons en Wurtemberg. La mesure était hardie ; le particularisme se chargea d’y répondre : aucun député ne fut nommé en dehors de son pays d’origine.

Les idées républicaines, heureusement pour les souverains, ne comptaient que peu de partisans dans le Vorparlement. La tendance des esprits était constitutionnelle. Des chambres très libérales dans chaque état, une assemblée nationale et le maintien des formes monarchiques, tel était le vœu de l’Allemagne, dans son ensemble, à en juger par les manifestations de l’opinion. Il est certain que, parmi tous ces hommes qui stipulaient pour leur pays, il en était peu qui ne demandassent la conservation des dynasties régnantes. Ce n’est pas qu’on réprouvât d’une manière absolue les doctrines radicales : la résistance aux aspirations républicaines tenait moins aux convictions qu’aux nécessités du moment.

Si l’éducation politique des états du Midi était assez avancée pour supprimer les trônes, il n’en était pas de même pour les états du Nord. Une évolution aussi brusque aurait eu comme conséquence inévitable la scission et l’anarchie ; aussi les hommes placés à la tête du mouvement se refusaient-ils à faire le pas hardi et décisif que venait de faire la France ; l’important pour eux était le rapprochement et la fusion entre les races germaniques. Un des délégués de Hesse-Cassel, éloquent et populaire, M. Jordan, s’en expliquait nettement avec la foule qui était venue l’acclamer à son entrée à Francfort : — « Je suis au fond du cœur partisan des idées républicaines, disait-il, et je suis persuadé que l’Allemagne en jouira un jour. Mais le moment de réaliser une forme de gouvernement aussi avancée n’est pas encore venu. Ce qu’il nous faut aujourd’hui, c’est l’union ; l’avenir fera le reste. » — Le rétablissement de la nation allemande après la conquête de la liberté était en effet l’unique préoccupation, celle qui absorbait toutes les autres.

Le vor ou l’anté-parlement avait achevé sa tâche en votant la loi

  1. Dépêche de Cassel, 10 mars 1848. — Les troubles qui ont éclaté dans le Slesvig et le Holstein agitent vivement les esprits. La Prusse, le Hanovre, les duchés de Brunswick et d’Oldenbourg dirigent des troupes sur les duchés de l’Elbe Des corps francs s’organisent dans le nord de l’Allemagne.