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une nouvelle circulaire que le mot Huldigung, qui, en effet, avait une double signification, dans sa pensée ne comportait pas une véritable prestation de serment, mais simplement un hommage à rendre au lieutenant-général de l’empire. Personne ne s’y laissa prendre ; on accepta le désaveu pour ce qu’il valait, et les armées de toute la confédération, sauf l’armée prussienne[1]. le 6 août, défilèrent pour la première fois devant le drapeau allemand. Ils rendaient hommage à ses couleurs, — noir, rouge et blanc, — sans lui prêter un serment d’inviolable fidélité.

La cérémonie fut célébrée à Cassel avec éclat. L’électeur descendit de Wilhelmshöhe pour assister au service divin et présider au défilé de ses soldats. Le ministre des affaires étrangères était venu la veille m’inviter à la fête. L’électeur paraissait heureux de se retrouver en sécurité au milieu de ses régimens et de n’être pas sifflé. Plusieurs fois il m’adressa la parole ; il me fit remarquer, en termes ironiques, l’absence du ministre de Prusse. — « Comte Galen pas venu, disait-il ; Prusse est mécontente. Bien fait ! » — Il éprouvait pour ses cousins de Berlin l’amour de la souris pour le chat.

L’incident de la Huldigung rapprocha les gouvernemens ; ils se concertèrent secrètement sur les moyens de résister aux envahissemens de l’assemblée de Francfort, qui, taillant dans le vif, allait jusqu’à leur demander la suppression de leur représentation diplomatique. Mais le moment n’était pas encore venu d’affirmer leur autorité. Le parlement, par ses violences, était en train de se discréditer ; il fallait lui laisser le temps de se rendre impopulaire, odieux. Son influence allait en décroissant, il usait ses forces dans de stériles débats, ses arrêts étaient discutés et souvent méconnus ; tout autorisait à prévoir qu’avant peu, à mesure qu’il s’éloignerait des événemens qui avaient présidé à sa naissance, il cesserait de représenter le véritable esprit public et les aspirations réelles de l’Allemagne.

Bien des crises devaient se succéder encore avant de permettre à la confédération germanique, si profondément troublée, de se reconstituer et de retrouver son ancienne quiétude. Il fallut la défaite de la révolution à Berlin, à Prague, à Francfort, à Cologne, à Dresde, dans les duchés de l’Elbe et le grand-duché de Baden ; — l’intervention de la Russie en Hongrie ; — les répressions sanglantes du général de Haynau et du général Windischgrätz en Autriche ; — les victoires de Radetzki en Italie ; — l’exécution sommaire, à Vienne, de Robert Blum, sans respect pour l’assemblée nationale de Francfort, dont il était un des membres les plus populaires ; —

  1. On se borna à donner lecture, dans les casernes, d’un ordre du jour national.