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d’y ajouter les états du duc de Savoie, c’est-à-dire le Piémont, les duchés de Savoie et le Montferrat avec le duché de Nice, et de céder au duc de Savoie l’Espagne et les Indes. »

En conséquence, Philippe, ainsi que les princes français, c’est-à-dire le duc de Berry, son frère, et le duc d’Orléans, son cousin, renonceront mutuellement et formellement, pour eux et leurs descendans, l’un au trône de France, les autres au trône d’Espagne : dans ce cas, il conservera l’Espagne et les Indes sans pouvoir recouvrer ses provinces italiennes ; — ou bien, tout en conservant ses droits à la couronne de France et la certitude de succéder à son aïeul, si son neveu, le second fils du duc de Bourgogne, vient à mourir, il abandonnera immédiatement le trône d’Espagne au duc de Savoie et régnera sur ses anciennes possessions d’Italie, augmentées du Piémont, du Montferrat, des duchés de Savoie et de Nice, en attendant une succession, probable sans doute, mais encore incertaine, qui ferait incontestablement du royaume de France, sous le sceptre de Philippe VII, la plus puissante monarchie de l’Europe. Toutefois, le Milanais serait formellement réservé à l’empereur, et la possession de la Sicile lui demeurerait acquise dans le cas on Philippe monterait un jour sur le trône de France. Telle est la redoutable alternative que le gouvernement de la reine vient de soumettre à Louis XIV, en lui donnant quelques jours seulement pour la résoudre.

Si ce nouveau problème n’est guère moins vaste ni moins complexe que celui dont le testament de Charles II lui avait imposé le périlleux examen, les données en sont bien différentes. L’espoir que l’on avait sagement conçu de fortifier la monarchie française par l’alliance intime de la monarchie d’Espagne ne s’est pas réalisé. Compromise, dès le début, par des actes imprudens, l’expérience avait eu les plus douloureux résultats. L’Espagne avait vécu pendant douze années à nos dépens. Le trône fragile de Philippe V se fut écroulé sans nos incessans et ruineux sacrifices. Qui avait payé en grande partie ses armées ? n’était-ce pas l’or de la France ? Qui avait vaincu à Almanza et à Villaviciosa ? n’étaient-ce pas des soldats et des généraux français ? Que deviendrait l’Espagne si nous lui retirions notre appui ? Que deviendrait la France si elle continuait à soutenir l’Espagne ? Le second traité de partage, auquel on a préféré le don fatal de Charles II, cette robe de Nessus qui dévore notre propre substance, nous attribuait, en Italie, des possessions lointaines qu’il nous eût été impossible de conserver. L’Angleterre nous offre maintenant, outre Naples et la Sicile, la Savoie, le Piémont, le Montferrat, le Mantouan, c’est-à-dire une vaste extension du territoire national, dans un pays riche et facile à défendre. Comment Philippe V hésiterait-il, alors que toutes les probabilités lui