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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août.

Nous revenons donc d’un pas pressé au temps des crises, des manifestations et des journées. Nous voici plus ou moins dans les aventures, avec le désordre dans la rue, le trouble dans les esprits, l’incohérence dans le gouvernement et une immense fatigue, un dégoût croissant de tout dans le pays. C’était facile à prévoir, c’était inévitable. La sagesse des nations n’a pas tort : quand on sème le vent, on récolte la tempête ! Ce n’est point impunément qu’on soumet, pendant des années, une société civilisée aux expériences ruineuses, qu’on joue avec toutes les garanties et les traditions publiques, qu’on se fait une sorte de système de bouleverser les lois, de déchaîner les instincts de révolution, d’affaiblir tous les ressorts, tout ce qui fait la force morale et matérielle d’un grand état. Ce qui arrive aujourd’hui, ces agitations qui s’essaient avant de devenir plus sérieuses, ces réhabilitations audacieuses des plus sinistres souvenirs et des plus burlesques héros de la commune, ces grèves qui procèdent par la violence, qui ont eu leur citadelle en plein Paris, tout cela n’a évidemment rien d’imprévu. C’est le fruit de dix années de désorganisation croissante, d’excitations et de confusions dans les idées comme dans l’état, de condescendances intéressées pour toutes les passions anarchiques. C’est le résultat d’une situation faussée par une politique qui a prétendu traiter la France en pays conquis, qui, au lieu de s’arrêter quand il en était encore temps, quand elle rencontrait la résistance de l’instinct public, s’est obstinée et s’obstine encore à rester une politique de secte. On a semé le vent, on récolte le désordre et l’émeute : c’est l’éternelle logique ! On recueille aussi cette révolte vague et confuse du pays qui n’a pas pu se faire écouter lorsqu’il avait parlé assez haut aux élections dernières, et qui en est peut-être aujourd’hui à se laisser aller