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ont été, à diverses reprises, exposées aux lecteurs de la Revue. En deux mots, nous rappellerons seulement que M. Pasteur montra, grâce à des procédés rigoureux qui étaient à l’abri de toute objection, que la fermentation alcoolique est fonction de la vie de petits organismes cellulaires de nature végétale dont est formée la levure, et que la production d’alcool est simplement le résultat de l’absorption, aux dépens du sucre des infusions fermentescibles, de l’oxygène indispensable à l’activité de ces êtres. On sait aussi comment, en appliquant ces premières données à l’étude spéciale de la bière et du vin, M. Pasteur montra que ces liquides sont exposés à des altérations dues à la présence de microbes autres que la levure qui convient à leur fermentation industrielle, et dont l’activité accidentelle peut être favorisée par des conditions défectueuses des procédés de fabrication. Ces altérations ont été nommées, très heureusement, les maladies des bières et des vins, car toutes les découvertes, auxquelles ces premiers travaux ont servi d’introduction, devaient en effet confirmer l’analogie absolue qui existe entre le mécanisme des altérations de ces liquides, et celui des maladies infectieuses des êtres organisés.

On peut dire que la microbiologie a pris naissance avec les travaux de M. Pasteur sur le vin et la bière. C’est à cette occasion qu’il a pu définitivement établir l’existence du monde des microbes, préciser leur genre de vie et leurs fonctions, ainsi que leurs rôles divers dans le milieu extérieur. À ce moment, on sait que les microbes sont des êtres vivans, et que, semblables en cela à tous les êtres vivans, ils ne peuvent se développer dans un milieu donné sans en altérer la constitution chimique en le privant des élémens utiles à sa nutrition et en y déversant les produits et les déchets de cette nutrition. Parmi ces microbes, les uns, les fermens alcooliques, détruisent le sucre des moûts sucrés, laissant à sa place de l’alcool et de l’acide carbonique ; d’autres font tourner le lait et le chargent d’acide lactique, changent le vin en vinaigre en y produisant de l’acide acétique, dégagent de l’hydrogène sulfuré aux dépens des matière albuminoïdes, transforment les matières azotées en nitrates, comme le font les microbes du sol ; mais tous font subir à la matière organique qui leur sert d’aliment des modifications profondes, et travaillent à la détruire.

En possession de ces faits, M. Pasteur était bien armé pour aborder l’étude des maladies contagieuses. Ces maladies, en effet, ne résulteraient-elles pas de l’action des microbes agissant maintenant, non plus dans des milieux organiques inanimés, mais dans des milieux organisés, vivans ? et les troubles qu’ils produiraient alors, les symptômes des maladies dont ils seraient les facteurs, ne seraient-ils pas des phénomènes chimiques comparables à la