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putréfaction, aux fermentations, aux maladies des vins et de la bière ?

Voici que déjà ses travaux sur les fermentations suggèrent des idées originales et d’importantes recherches sur certains faits bien observés, dans le domaine de la médecine, mais restés encore sans explication. M. Davaine, qui avait appris de M. Rayer, dix ans auparavant, qu’il existe des petits corps filiformes dans le sang des animaux atteints du charbon se demande, en lisant l’étude sur la fermentation butyrique, s’il n’y aurait pas une fermentation charbonneuse du sang des animaux malades ; le célèbre chirurgien anglais Lister écrit à M. Pasteur, en 1874, qu’il vient de lire son mémoire sur la fermentation lactique, et qu’il y a trouvé la démonstration de la vérité de la théorie des germes de putréfaction et le seul principe qui mènera à bonne fin le système antiseptique qu’il emploie depuis neuf ans ; un autre célèbre chirurgien, Alphonse Guérin, encore sur la lecture des recherches sur les fermens, imagine son fameux pansement ouaté ; et M. Déclat, adaptant le premier à la médecine interne la nouvelle méthode employée avec succès en chirurgie, fonde toute une médecine des maladies infectieuses sur l’emploi d’un des meilleurs antiseptiques connus, l’acide phénique, d’après cette présomption, qu’il dit lui avoir été également suggérée par les études sur les fermentations, à savoir « que les maladies qui se transmettent sont le produit, chacune, d’un ferment spécial, et que la thérapeutique médicale ou chirurgicale doit s’efforcer d’empêcher la pénétration des fermens venus de l’extérieur dans les liquides de l’économie, ou, s’ils y ont pénétré, de trouver des antifermens pour les y détruire, sans toutefois altérer la vitalité des tissus ou des organes. »

En présence de ces témoignages de la haute portée de ses premiers travaux, on comprend que M. Pasteur ait d’ores et déjà été en droit de conclure « que les liquides de l’économie, le sang et l’urine par exemple, peuvent donner asile à des fermens divers, au sein même des organes, quand des causes extérieures viennent à faire pénétrer dans les liquides les germes de ces fermens, et que des maladies plus ou moins graves en sont la conséquence. »

D’ailleurs, plusieurs années avant d’écrire ces lignes, M. Pasteur avait déjà fait d’une épizootie, qui était en voie de ruiner une branche importante de l’industrie française, une étude hors ligne, destinée à marquer une date dans l’histoire de la science expérimentale, comme dans celle de la médecine, et qui apparaît aujourd’hui comme ayant dès lors donné leur solution à bien des problèmes repris depuis, à propos de maladies spéciales à l’homme ou aux animaux supérieurs. Il s’agit de cette fameuse maladie des vers à soie, la pébrine, dont M. Pasteur trouva la cause dans le