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jeune homme, employé de la compagnie parisienne du Gaz. Avec des camarades, membres du « Cercle Pigalle, » du « Cercle Gaulois » et d’une société littéraire, « la Butte » (quelque chose, évidemment, comme l’académie de Montmartre), au printemps de 1887, il forma une troupe, et fit appel aux auteurs… Il y en a donc ? Hé ! oui. Même il y en a de deux sortes. Il y a d’abord ceux qui sont joués dans les théâtres, et qui donnent l’occasion, précisément, de dire qu’il n’y en a plus ! — Est-ce un auteur, auprès de M. Dumas et de M. Meilhac (je ne parle pas de M. Augier ni de M. Halévy, qui se reposent), auprès de M. Sardou et de M. Gondinet ou de M. Pailleron, auprès de ces favoris du public, est-ce un auteur au même titre qu’eux, et pour les remplacer un jour, que M. X… ou M. Z.., fournisseur ordinaire de telle ou telle scène, fabricant de drames ou de vaudevilles ? On doute qu’ils soient nombreux parmi les nouveau-venus, on prend le parti de les négliger dans une revue générale, ceux qui mériteraient ce nom plus que M. X… ou M. Z… Les vaudevilles, les drames de celui-ci ou de celui-là ne causent qu’un médiocre plaisir ; ils satisfont pourtant à quelques-unes des lois de l’art dramatique : ils rappellent d’autres pièces, qui furent acclamées, ils ne sont taillés que trop exactement d’après ces patrons. Le public, dans son malaise, en vient à se demander si d’aventure ces lois mêmes ne sont pas ennemies de son agrément, si l’art dramatique, ou ce qu’on est accoutumé à considérer comme tel, n’est pas un système de conventions mortes : il serait temps qu’une autre puissance occupât la scène. Plutôt que les hommes, c’est donc la méthode qui manquerait ; ou, — si le mot de méthode fait peur, — c’est le mode nouveau qui tarderait à paraître : il y aurait peut-être des auteurs, mais il y aurait, à proprement parler, interrègne d’art dramatique.

« Hé ! oui.., » s’écrient les auteurs de la seconde espèce, les auteurs qui ne sont pas joués. — Je ne parle pas, bien entendu, de ceux qui n’ont d’autre tort que de travailler moins habilement que M. X… ou M. Z.., dans le même genre : un jour ou l’autre, ils ont chance de séduire les directeurs. Je ne parle pas non plus de quelques-uns, presque entrés dans un théâtre, à qui tel accident, comme un coup de vent, aura fermé la porte au nez. — La bande que voici, écoutez-la plutôt : « Oui, cet art dramatique, celui qu’on voit sur les planches, est imbécile, inerte, caduc ! .. » Elle n’est composée, cette bande, que de gens qui veulent que leurs ouvrages ne ressemblent en rien à ceux qui sont joués : aussi ne les joue-t-on pas. Les directeurs préfèrent s’en tenir à leurs maquignons habituels et remplacer un cheval borgne par un cheval borgne, crainte de l’échanger contre un aveugle. Admettez qu’ils soient lettrés, qu’ils souhaitent personnellement quelque chose de neuf ou qui le paraisse, et qu’ils admirent ce qu’on leur propose :