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ses irritantes et ruineuses campagnes scolaires, sa guerre au cléricalisme, qu’il en est encore aujourd’hui à mettre en cause avec une oiseuse acrimonie, — comme si le cléricalisme avait fait le général Boulanger ? Où sont ses alliés sérieux, efficaces pour refaire un gouvernement tel qu’il le réclame ? quelles sont les mesures qu’il tient en réserve, par lesquelles il se flatte de vaincre ce mouvement confus, menaçant, d’où est sortie la triple élection du 19 août, qui lui inspire, non sans raison, un assez visible effroi ?

Le fait est que, depuis quelque temps, depuis l’élection du 19 août surtout, on parle beaucoup dans les camps républicains de combattre le général Boulanger, mais que jusqu’ici on ne voit pas bien comment on le combattra avec quelque efficacité. Il y a, il est vrai, un procédé sommaire, aussi étrange que sommaire, qui a été proposé dans un conseil-général par des républicains, par des radicaux expéditifs : ce serait de décréter, sans plus de façon, le bannissement de l’élu du 19 août. Par une juste rémunération, M. le général Boulanger, qui a proscrit les autres, subirait à son tour la proscription par raison d’état ! Ce ne serait pas la première fois que cela arriverait. Fort heureusement, on n’en est pas encore là, le procédé n’est pas sérieux. Il y aurait, à ce qu’on croit, un moyen moins violent, plus régulier, assez étrange encore cependant : ce serait une réforme de la loi électorale. Puisque le scrutin de liste favorise trop les élections plus ou moins plébiscitaires, il n’y aurait qu’à revenir au scrutin d’arrondissement tel qu’il existait il y a quelques années. On pourrait peut-être ainsi atténuer, en les fractionnant, ces manifestations d’opinion, qui ressemblent toujours un peu à un ouragan. L’idée s’est produite dans quelques conseils-généraux sans être découragée par les préfets, et une proposition paraît devoir être soumise à la chambre dès le commencement de la session prochaine. C’est fort bien. Eh ! sans doute, le scrutin uninominal d’arrondissement a le mérite d’être un système plus simple, plus vrai, plus sincère. C’est, on pourrait le dire, le régime des temps réguliers ; mais, enfin, ce scrutin de liste qui existe encore aujourd’hui, ce sont les républicains eux-mêmes qui l’ont proposé, adopté, il y a quelques années à peine, et lorsqu’on leur opposait les plus sérieuses raisons de prévoyance en faveur du scrutin d’arrondissement, qui existait alors, ils n’ont rien écouté. Ils ont voté le scrutin de liste parce que tel était leur intérêt, parce qu’ils ont cru y trouver un moyen plus commode de domination ; ils veulent le changer aujourd’hui, parce qu’ils y voient encore leur intérêt. Ce n’est pas le choix réfléchi entre deux principes, c’est un expédient improvisé pour barrer le passage à un homme, c’est une arme de guerre contre une popularité importune. Voilà tout. Est-il bien sûr, d’ailleurs, que rétabli dans ces conditions, dans l’état moral du pays, le scrutin d’arrondissement ait une efficacité aussi décisive qu’on le croit ? Le général