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Enfin, le jour fixé pour le dénoûment est venu. Nous laisserons Bonnac faire lui-même le récit, dans sa dépêche au roi du 5 novembre 1712, de la séance des cortès. Comme il y assistait, ce récit en sera plus vivant et en paraîtra plus fidèle.

«… La signature de l’acte de la renonciation du roi d’Espagne à ses prétentions sur la succession du royaume de France a été faite aujourd’huy, à dix heures du matin, dans la chambre du roi, en présence des conseillers d’état et de plusieurs autres seigneurs. Le sieur Vadillo, secrétaire du conseil d’état, a fait la lecture de cet acte d’un bout à l’autre. Après quoi le roi d’Espagne l’a signé, et, s’étant mis à genoux devant une table sur laquelle les saints Évangiles étaient, il a confirmé, par un serment solennel, ce qu’il venait de ratifier par son seing.

« Les députés des villes qui composent les cortès, ayant été mandés pour trois heures après-midi, le président de Castille, avec les six conseillers qui composent ce qu’on appelle ici la caméra, se sont rendus dans l’antichambre du roi d’Espagne, et Sa Majesté, ayant pris le collier de ses ordres, précédée par ces conseillers et par le président, s’est rendue dans le lieu de l’assemblée. Le comte de Lexington et moi l’avions suivie avec plusieurs autres courtisans. La reine, qui a voulu voir la cérémonie et qui a voulu que M. le prince des Asturies la vît, s’est mise, pour ainsi dire, entre nous, et le président de Castille, avec les conseillers qui l’accompagnaient, se sont mis à la droite du roi d’Espagne, et se sont tenus debout et découverts pendant tout le temps qu’a duré l’assemblée.

« Les députés sont demeurés debout et découverts jusqu’à ce que le roi d’Espagne leur ait ordonné de s’asseoir et de se couvrir, après quoi Sa Majesté catholique, leur adressant la parole, leur a fait un petit discours dans lequel il leur a expliqué le sujet pour lequel Elle les avait assemblés. Ce discours, qui était très bien composé et fort touchant, a été prononcé avec beaucoup de dignité et d’une manière dont l’assemblée a paru fort émue.

« Le roi d’Espagne a ordonné ensuite au secrétaire de la caméra, qui était debout, de lire un discours plus étendu qu’il avait fait dresser pour instruire plus amplement ses sujets des motifs qui l’avaient déterminé à une démarche si importante. J’ai remarqué avec plaisir, dans ce discours, que les Espagnols rendaient justice au grand secours qu’ils avaient reçu de votre Majesté pendant le cours de cette guerre. »