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convenable de se joindre. Au moment de s’y rendre, il demanda au marquis de Bonnac de vouloir bien retarder un peu le départ de son courrier, afin qu’il pût lui remettre quelques lignes de sa main pour son aïeul. « Le roi m’a dit qu’il souhaitait que je différasse le départ de mon courrier jusqu’à ce soir, n’ayant pas le temps d’écrire à Sa Majesté, parce qu’il devait assister à une procession que les pères de la Merci faisaient avec les captifs qu’ils avaient rachetés, et ensuite au Te Deum qu’il faisait chanter pour la prise de Bouchain,.. ce qui m’a obligé à différer le départ de ce courrier, quoique je ne doute pas de l’impatience avec laquelle votre Majesté doit attendre la nouvelle de la consommation de cette grande affaire. » Dans la vie politique du peuple espagnol, les actes religieux de ses rois et la pompe qui les accompagne ont tenu toujours une place considérable. En témoignant, lorsqu’il en trouvait l’occasion, l’importance qu’il leur attribuait, Philippe V faisait preuve d’intelligence et de bon jugement.

« J’ai signé ce matin, écrivit le roi d’Espagne à son aïeul, le soir même du 5 novembre, l’acte de renonciation à la couronne de France, et je l’ai jurée publiquement, et j’ai fait l’ouverture des états cette après-dinée. -J’espère que cela facilitera encore la conclusion de la paix avec l’Angleterre, qui doit être contente de tout ce que je fais pour assurer son repos. Il ne me reste pour aujourd’huy qu’à renouveler à votre Majesté les assurances de la tendresse respectueuse que j’ai pour Elle. »

À cette lettre, Louise-Marie voulut joindre ses félicitations sur la prise de Bouchain, qui venait de couronner la magnifique campagne du maréchal de Villars :

« La campagne qui vient de finir a été bien glorieuse pour vos armes, et je ne doute pas que nous ne nous apercevions bientôt de son utilité en voyant changer de langage à ceux qui, jusqu’à cette heure, n’ont pas voulu suivre l’exemple de l’Angleterre. Je souhaite très fort tout ce qui peut contribuer à votre satisfaction et à votre repos, et qu’à l’avenir ce ne soit plus les suites de la guerre qui m’obligent à vous marquer ma joie, mais bien la conclusion d’une bonne paix, telle que vous puissiez avoir autant de plaisir que nous avons eu de peine depuis douze ans. La journée d’hier, dont le roi vous rendra compte, avancera apparemment ce grand ouvrage.

« Honorez-moi toujours, je vous en conjure, d’un peu de part dans votre amitié. J’ose dire la mériter par la respectueuse tendresse et la parfaite reconnaissance que j’ai pour vous. »

Philippe venait de renoncer aux droits de sa naissance en faveur de son jeune frère. Le serment public qu’il avait prêté assurait la couronne au duc de Berry après le décès probable du jeune prince