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trouver dans la sanction des états-généraux ? Non, car ils ne sont autre chose « qu’un corps de complaignans du poids et de la valeur des subsides sans aucune autorité,.. dont la fonction est de présenter des griefs et de se soumettre sans entrer en nulle connaissance de rien ; » — dans celle des parlemens ? Non, « car ils ne sont qu’une juridiction contentieuse… qui ne se peut mêler d’affaires d’état, et n’ont d’action que sur les procès des particuliers, quelque vains efforts qu’ils aient faits pour atteindre à de plus grandes choses ; » — dans les dispositions testamentaires du roi ? Non, évidemment, car « qui pourrait avoir confiance en l’autorité d’un testament royal quel qu’il pût être, après le succès de celui de Charles V et du feu roi, si célèbres, si sages, si applaudis, et sitôt après si solennellement anéantis ? » Seul, le pouvoir législatif et constitutif du royaume peut donner la sanction inviolable, imprescriptible que les intérêts de l’Europe exigent. En qui réside ce pouvoir ? L’histoire enseigne qu’il appartint, tout d’abord, aux grands feudataires laïques et ecclésiastiques dont les assemblées régulières portaient le nom de placita conventa, que les rois consultaient par nécessité, « dont le concours était indispensable pour les grandes sanctions de l’état, » qui remplacèrent eux-mêmes, à la fin du Xe siècle, les rois fainéans par le vaillant Hugues Capet. Sous la troisième race dont ce prince fut le chef, les six grands vassaux dont il tenait la couronne, et qui l’assistaient nécessairement dans tous les actes importans de son règne, prirent le nom de pairs, et ils consentirent à partager l’exercice du pouvoir avec les plus importans feudataires de l’ancien duché de France, qui furent appelés alors les hauts barons. Aux six grands vassaux, pairs de France, à leurs associés les hauts barons ont succédé les ducs-pairs et les ducs héréditaires[1]. Leurs biens sont apanages et font retour à la couronne, faute d’héritiers mâles, tout comme ceux des fils de France. On les appelle, dans les vieux récits de l’histoire, « latérales regis,.. tuteurs des rois et de la couronne,.. grands du royaume,.. soutiens de l’état,.. colonnes de l’état,.. protecteurs de la couronne. » Ce sont eux qui, par droit de naissance et en vertu de prérogatives incontestables, exercent seuls, avec le roi, le pouvoir législatif et constitutif du royaume. Toutefois, l’histoire démontre que les fonctionnaires « qui ont autorité sur une sorte de chose générale dans tout l’état,.. qui sont, par l’étendue de leurs offices, les moteurs indispensables de tout ce qui se fait en guerre ou en paix, et que l’on appelle, en conséquence, les

  1. « Des ducs vulgairement et improprement nommés à brevet, dit le « Mémoire succinct, » on n’en peut faire nulle mention sérieuse, puisque, outre leur invention de nos jours, ils n’ont que quelques honneurs de cour, et encore à vie. »