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reconnaissent, puisque le peuple ne fait qu’obéir à leur exemple, à leur signal, à leur ordre lorsqu’il crie à son tour : « vive le roi ! » — eux seuls commandent qu’il soit reconnu, révéré, craint, obéi, aimé, servi, et tout cela se fait en présence des trois ordres de l’état, dont le silence marque un respect qui défère tout aux pairs, qui obéit et consent à tout ce qu’ils font sans oser prétendre s’unir d’action à eux ; — eux seuls enfin, aux obsèques des rois, portent la couronne, le sceptre, la main de justice pour bien montrer qu’ils sont les dépositaires des emblèmes de la souveraineté royale ; et qu’on n’aille pas dire que l’établissement de l’hérédité monarchique a rendu vaines et puériles ces fonctions « si majestueusement figuratives ; » elles n’eussent point été conservées et scrupuleusement remplies pendant plusieurs siècles, si l’essence du pouvoir constitutif et législatif du royaume avait été modifiée, si la pairie n’avait plus le droit de l’exercer conjointement avec le souverain, si elle avait perdu celui d’élire elle-même le roi de France en cas d’extinction de la race régnante.

Ainsi argumente le « mémoire succinct, » dont voici les conclusions. Les renonciations seront examinées et sanctionnées par le pouvoir constitutif et législatif du royaume, c’est-à-dire par le roi, les ducs-pairs, les pairs héréditaires et les grands officiers de la couronne ; leur décision sera jurée solennellement par le roi et tous les assistans sur les saints Évangiles, en présence du reliquaire qui renferme un fragment de la vraie croix ; elle sera transcrite sur quatre parchemins revêtus du sceau royal et destinés, l’un au parlement, un autre à l’abbaye de Saint-Denis, où il sera gardé avec la couronne, le troisième à la cour des comptes, le dernier aux archives de la bibliothèque du roi. Le lendemain, s’il plaît à sa majesté, elle se rendra aux états-généraux convoqués à Saint-Germain, et le grand-chancelier leur donnera lecture, en sa présence, des nouvelles dispositions relatives à la succession royale. Cette lecture sera suivie, « non pas des avis des personnes, mais des applaudissemens des états, soit en forme tumultuaire par acclamation, soit par la bouche de leurs présidens, lesquels s’engageront, par serment, à respecter cette loi. » Le surlendemain sera tenu un lit de justice dans lequel le parlement procédera à son enregistrement immédiat, sans délibération et sans commentaire, sous les yeux du roi. Puis elle sera jurée solennellement et successivement par tous les fonctionnaires du royaume.

C’est ainsi que « la sanction ne sera législative que par les vrais et uniques législateurs de droit, et qu’on évitera l’inconvénient terrible- de nullité ; c’est ainsi qu’à cette forme essentielle et fondamentale causa sine qua non, on ajoutera toutes celles que les plus