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duel entre l’empereur et le roi commence[1]. Il sera signalé par la prise de Landau et de Fribourg, deux grands coups d’épée que le maréchal de Villars portera, en 1713, au prince Eugène de Savoie, et se dénouera pacifiquement le 6 mars 1714, par le traité de Rastadt, que doivent débattre et signer ces glorieux rivaux.


XIV

Il convient de terminer cette étude par quelques lignes empruntées à l’histoire moderne de l’Espagne. L’œuvre politique de Philippe V, inspirée par les conseils impérieux ou les calculs égoïstes de son grand-aïeul et par les généreux élans de son ambition personnelle, ne lui a pas survécu tout entière ; mais elle a eu cette singulière fortune que ce qu’il a voulu lui-même en retrancher, de ses propres mains, est demeuré stable et fixe, comme étant l’une des plus fermes assises du droit public européen ; que ce dont il désirait passionnément, au contraire, le respectueux maintien et l’éternelle durée, a disparu, moins d’un siècle après sa mort, sous le souille de l’impopularité nationale.

L’acte politique des renonciations, sanctionné par les cortès, enregistré par le parlement, inséré dans les traités d’Utrecht, n’a rien perdu de sa haute importance et de son incontestable autorité ; il n’est resté dans la Péninsule, de l’acte constitutionnel qui a consacré les principales maximes de la loi salique, de l’auto-accordado, ratifié, en 1710, par les cortès espagnoles, qu’un vague et pénible souvenir.

Ce fier et vaillant pays est profondément attaché aux coutumes antiques sur lesquelles repose le droit cognatique de ses reines, parce qu’il les considère comme des institutions vraiment nationales ; parce qu’il n’oubliera jamais les grandeurs de son passé, parce qu’il se souvient, avec un orgueil satisfait et légitime, du rôle magnifique d’Isabelle la Catholique ; parce que ces glorieuses réminiscences l’ont toujours fortifié et consolé aux jours de ses épreuves ; parce qu’il lui plaît aussi de prêter le loyal appui de son chevaleresque dévoûment à la faiblesse native de la femme. N’est-ce pas, d’ailleurs, en vertu de ces coutumes, que le roi Charles II a désigné pour son successeur le jeune duc d’Anjou, son parent le plus proche par sa sœur Marie-Thérèse[2] ? Comment Philippe V a-t-il

  1. Nous en avons raconté les principaux incidens dans la Coalition de 1701 contre la France, et M. le marquis de Vogüé en a donné l’intéressant récit, aux lecteurs de la Revue, dans les remarquables études intitulées : Villars diplomate.
  2. Marie-Thérèse, femme de Louis XIV, était la fille aînée de Philippe IV. Sa sœur puînée, Marguerite, avait épousé l’empereur Léopold.