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dévouement de la haute noblesse et particulièrement du duc de Bourbon, du prince de Conti, du duc de Chaulnes, des marquis de Magny et de Pompadour, qui l’informent des bonnes dispositions du cardinal de Fleury, dont le zèle irait jusqu’à dicter au roi de France un testament en faveur du roi d’Espagne ; les instructions écrites que reçoit l’abbé de Montgon le jour de Noël 1726, qui lui tracent le rôle que doivent jouer, à Versailles comme à Paris, les principaux affidés, si Louis XV vient à mourir sans enfans, et auxquelles se trouve jointe une proclamation adressée par Philippe, tout comme en 1718, aux parlemens de France ; les engagemens formels que prennent le cardinal de Fleury et le duc de Bourbon après avoir vu secrètement l’abbé ; les pouvoirs officiels qu’on leur fait parvenir, afin que, le cas échéant, ils puissent administrer de concert, en attendant l’arrivée de Philippe, le royaume de France ; puis, l’effarement de la cour d’Espagne, quand vient à éclater « comme un coup de foudre la nouvelle que le roi de France était gravement malade ; » les mesures précipitées qui sont prises à Madrid, les préparatifs confus d’un départ prochain ; enfin, la lettre qu’Elisabeth écrit au duc de Bourbon pour lui remettre ses promesses en mémoire, et celle que Philippe, lui-même, adresse au pape pour soulager sa conscience, pour solliciter ses conseils, pour lui demander, en quelque sorte, l’absolution anticipée du parjure qu’il va commettre.

« Votre Sainteté n’ignore pas que j’ai renoncé solennellement à la couronne de France par le traité d’Utrecht, pour moi et pour mes enfans, et que, selon cette renonciation, elle devrait passer dans la branche d’Orléans, en cas de mort du roi, mon neveu, sans enfans ; .. que j’ai juré solennellement et en public, sur le crucifix et sur les saints Évangiles, ma renonciation ; .. qu’elle a été approuvée dans toutes les formes par les états d’Espagne et enregistrée de même dans le parlement de Paris, et qu’elle a été confirmée par un traité aussi solennel que celui d’Utrecht… D’un autre côté, il semble, si le cas arrivait (la mort de Louis XV), que je me dois à la patrie où je suis né… On sait assez combien les minorités ont été funestes en France, et, dans celle-ci, on pourrait craindre, avec beaucoup de fondement, une guerre civile. D’ailleurs, la religion, pour le soutien et la défense de laquelle je donnerais ma vie, s’il le fallait, y étant aussi agitée qu’elle l’est, peut-être puis je penser que je lui pourrais être utile avec la grâce de Dieu, en ce pays-là… Au milieu de ces raisons qui balancent le parti que je dois prendre, je me jette aux pieds de votre Béatitude comme le fils le plus soumis et le plus respectueux devant son cher père, et je le prie de vouloir bien me conseiller ce que je dois faire… »

La nouvelle du rétablissement de Louis XV fit rentrer dans