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désordre qui régnait chez lui, il affirmait qu’il suffirait de lui donner à boire de l’eau-de-vie, et que la tenue de son ménage charmerait aussitôt les plus difficiles. Au lieu d’eau-de-vie, ce sont les fêtes, les aumônes budgétaires, leurs enfans habillés, nourris, armés par la ville, la haine, l’envie, l’espérance de socialiser bientôt la terre, la mine, l’usine, le capital, les outils, qui enivrent ces rêveurs. Prenons garde, cependant, que d’un peuple de travailleurs nos municipaux ne fassent un peuple de mendians.

Quant à l’Assistance publique, elle est divisée dans sa propre. maison ; à côté du directeur nominal, qui émarge et signe, il y a un directeur de fait, le rapporteur de la commission du budget. Employés payés plus cher, pensions doublées par des mises à la retraite prématurées, services d’accouchement accordés à une partie de la population aisée, lorsqu’ils ne devraient appartenir qu’aux vrais pauvres, malades admis dans les hôpitaux sans titres sérieux, le favoritisme à tous les degrés, les dépenses croissant au point qu’un lit qui coûtait 1,100 francs il y a dix ans en coûte 2,000 aujourd’hui ; les bienfaiteurs se décourageant peu à peu de confier leurs dons à ces ardélions de l’athéisme, les scandales donnés par les infirmiers et infirmières que ceux-ci protègent, tant de misères appellent une prompte réforme. La loi de 1849 constitue une direction unique, centralisant tous les services, secondée par un conseil de surveillance, placée sous l’autorité du préfet de la Seine et du ministre de l’intérieur ; elle réserve en même temps les attributions du conseil, qui règle les comptes et vote le budget annuel. Mais, observait un témoin autorisé, M. Desprès, dès 1883, le gouvernement capitule devant le conseil, le laissant maître absolu de l’Assistance publique ; la même année, le déficit atteint 4 millions ; en 1884, 4 millions ; en 1885, 5 millions. En 1887, le directeur propose de boucher le trou au moyen d’une recette extraordinaire produite par l’aliénation de 2,617,316 francs de rente. On mange le fonds avec le revenu ; le budget de l’Assistance a passé de 13,593,000 francs en 1878 à 21,830,000 francs en 1888. A cela le rapporteur se contente d’observer qu’en vendant une partie du bien des pauvres on n’entame qu’une réserve. Raisonnement de prodigue qui ferait hausser les épaules s’il s’agissait de fortune privée ; mais quand la fortune publique est en jeu, les plus misérables argumens deviennent raisons péremptoires, pour peu qu’ils flattent les passions d’une majorité. Étonnez-vous ensuite si l’électeur accepte comme députés et comme ministres des gens dont il ne voudrait point pour commis.

Ce n’est pas assez de régner sur l’enseignement primaire, les Quatre-vingts prétendent régénérer l’enseignement, secondaire et