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chal de Moltke, qui restera assurément une des plus originales figures militaires du temps. Le jeune souverain a comblé de témoignages de déférence le vieux feld-maréchal, il a accepté sa démission, et il l’a remplacé par le comte Waldersée, qui passe sans doute pour un officier distingué dès longtemps familiarisé avec les secrets de l’état-major, qui est connu aussi pour avoir la faveur de la nouvelle cour. D’autres généraux ont été déjà mis à la retraite ou sont désignés pour quitter prochainement le service. Depuis qu’il a ceint la couronne, cet empereur de moins de trente ans, nourri des traditions soldatesques des Hohenzollern, se remue et s’agite, passant des revues, suivant des manœuvres, mettant un soin jaloux à entrer dans l’intimité de son armée, pour qui ont été ses premières paroles le jour de son avènement. Ce qu’il fera de cette armée, on ne le sait pas plus qu’on ne peut distinguer quelle sera sa politique, son action personnelle dans les affaires intérieures de l’empire. Par ses instincts, par son éducation, le jeune empereur se laisserait aller facilement, on le sent, à des idées passablement féodales et mystiques dont ses premiers discours ont été une curieuse expression. Il a même prononcé depuis, dans deux ou trois circonstances, soit à Francfort-sur-l’Oder, soit dans une réunion des chevaliers de Saint-Jean, quelques allocutions qui ont paru si accentuées, qu’elles ont dû être revues et corrigées avant de recevoir une publicité officielle. Il est certain que Guillaume II a pu être un moment l’espoir des piétistes et des hobereaux ; mais en même temps, sans doute sous l’influence de M. de Bismarck, il se montre assez libre de préjugés pour élever à de hautes fonctions l’ancien chef du parti national-libéral, M. de Bennigsen, qui vient d’être nommé président supérieur du Hanovre. Ce choix d’un national-libéral pour un des plus hauts postes administratifs est-il la contradiction ou le désaveu des discours récemment prononcés par l’empereur ? Il prouve tout au plus, peut-être, que le jeune souverain, naturellement peu expérimenté, en est encore à chercher sa voie, à flotter entre toutes les influences dans le maniement des affaires intérieures de l’empire.

Une autre partie du programme de ce début de règne est cette série de visites que le nouveau souverain de l’Allemagne a entreprises et qui peuvent certainement avoir leur importance ou leur signification extérieure. Guillaume II s’essaie dans son rôle européen comme dans son rôle intérieur. Il a commencé par la visite à l’empereur Alexandre III, par ce voyage à Péterhof, qui a fait quelque bruit dans le monde, et qui, à vrai dire, en attestant la vieille cordialité personnelle entre les deux familles souveraines, ne paraît pas avoir changé sensiblement la politique et les rapports des deux empires. Il a fait ses visites en Suède et en Danemark, dans quelques-unes des petites cours tributaires de l’Allemagne. Il va, dans quelques jours, se montrer dans les