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apportaient l’empreinte de son cachet sur un morceau de papier mouillé par la pluie. La Moricière les renvoya aussitôt avec la promesse d’aman et, comme gage de sa parole, il fit porter par Bou-Khouïa son propre sabre à l’émir.

Au point du jour, il s’arrêta près du col de Kerbous, puis il fit partir le colonel Montauban, à la tête de six escadrons, pour aller chercher la deïra, autour de laquelle rôdaient les Kabyles du voisinage, et la conduire au puits de Sidi-bou-Djenane, où le colonel de Mac-Mahon allait s’établir avec les zouaves et un bataillon du 9e de ligne. Après une halte de quelques heures, la colonne se replia sur le camp. La Moricière y trouva tous les chefs des réguliers qui avaient survécu au désastre du 21 décembre. Ils le supplièrent d’accorder deux jours de repos à la deïra, encombrée de blessés, de vieillards, de femmes et d’enfans qui succombaient à la fatigue. Le général y consentit, et fit porter au colonel de Mac-Mahon l’ordre de prendre son bivouac, non plus à Sidi-bou-Djenane, mais aux environs du campement arabe. On sut alors que la deïra comprenait encore près de 600 tentes, avec une population de 5,000 à 6,000 âmes.

Dans la journée, le lieutenant Bou-Khouïa rejoignit le camp ; il rapportait au général son sabre, et il lui remit une lettre d’Abd-el-Kader : « Louange au Dieu unique. Que Dieu répande ses grâces sur notre seigneur et maître Mohammed et sur ses compagnons ! Du prince des croyans, le guerrier saint, EI-Sid-el-Hadj-Abd-el-Kader, — que Dieu l’assiste et le protège ! — au général de La Moricière, chef des troupes françaises de la province d’Oran. Que Dieu rende prospères nos affaires et les vôtres ! que le salut soit sur quiconque reconnaît la vraie voie ! J’ai reçu le cachet et le sabre que tu m’as fait remettre comme signe que tu avais reçu le blanc-seing que je t’avais envoyé ; l’obscurité de la nuit m’avait empêché de t’écrire. Cette réponse de ta part m’a causé de la joie et du contentement. Cependant je désire que tu m’envoies une parole française qui ne puisse être ni diminuée ni changée, et qui me garantira que vous me ferez transporter, soit à Alexandrie, soit à Akka (Saint-Jean-d’Acre), mais pas autre part. Veuille m’écrire à ce sujet d’une manière positive. Lors de notre entrevue, nous nous communiquerons beaucoup de choses. Je connais ta manière d’agir, et je désire que tu aies seul le mérite du résultat. Je te recommande de maintenir où elles sont les tribus qui se sont séparées hier soir chez les Msirda. Je pensais qu’elles me suivraient et, lorsque j’ai regardé derrière moi, il n’y avait plus personne. Il y a dans ces tribus des affaires d’intérêt qui concernent moi et les miens, par exemple des esclaves, des chameaux, des mulets, des effets et des chevaux. Je désire donc terminer ces affaires par la vente de ces