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Le 21 mai, la colonne du maréchal, qui suivait le cours de l’Oued-Sabel, vit arriver en avant de Bougie, à une journée de marche, la colonne de Sétif. Celle-ci n’avait rencontré quelque résistance que dans les journées du 16 et du 18, chez les Reboula d’abord, puis chez les Beni-Ourtilane. Le 22, toutes les troupes firent leur entrée dans Bougie ; le 24, l’investiture fut donnée solennellement aux chefs désignés par les bureaux arabes d’Alger et de Constantine. Le lendemain, le maréchal s’embarqua pour Alger. ; il avait prescrit au général Bedeau de demeurer pendant quinze jours encore à Bougie avec la moitié des troupes ; l’autre moitié devait être ramenée immédiatement par le général Gentil à Bordj-Bouira, d’où les différens corps auraient à regagner leurs cantonnemens.

Ainsi prit fin cette courte expédition. Elle n’avait produit ni plus ni moins de résultats que les précédentes opérations du même genre. Les populations visitées n’étaient que nominalement et pour un temps soumises ; au-delà, le grand nombre des tribus demeuraient dans leur indépendance. Il ne fallait pas se payer de mots ni d’apparences : la conquête de la Grande Kabylie restait pour l’avenir toute à faire.


V

Le 29 mai 1847, le maréchal Bugeaud écrivait d’Alger à l’un de ses amis : « Je suis rentré depuis trois jours de l’expédition de la Grande Kabylie, qui a fait déclamer nos grands tacticiens de la chambre et de la presse. Vous apprendrez avec plaisir, j’en suis sûr, que j’ai pris la ferme résolution de demander un successeur. Sans attendre la décision définitive, je pars, le 5, pour le Périgord. J’ai exprimé ma détermination avec tant de force que l’on renoncera sans doute à la faire changer. »

Le 4 juin, l’escadre de la Méditerranée, commandée par le prince de Joinville, mouillait en rade d’Alger. Le gouverneur eut encore le temps de faire au prince les honneurs de son palais, et de donner des ordres pour l’excursion qu’il voulait pousser, par Blida et Médéa, jusqu’à Boghar. Le lendemain, devant une foule respectueuse, le maréchal prit passage sur le stationnaire Caméléon, que commandait le lieutenant de vaisseau Fourichon, son compatriote, et l’on peut ajouter, malgré la différence d’âge et de grade, son ami.

Avant de s’embarquer, il avait fait ses adieux à ses compagnons d’Afrique, de quelque condition qu’ils fussent, par trois proclamations à la population, à l’armée, à la marine : « Colons de