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mécontentement des directeurs ; tout à la joie de sa nouvelle dignité, il est d’abord on peu déconcerté et timide, surtout s’il a quelque conscience de sa tâche. Il lui faut de six mois à un an pour prendre le dessus ; mais, quand il l’a pris, il est à la veille de partir, et tout est à recommencer ; d’autant plus que, si ce ministre revient ultérieurement au pouvoir, ce n’est presque jamais avec le même portefeuille.

La seule solution raisonnable est de réduire de moitié le budget des administrations centrales, d’autoriser les ministres en fonction à se décharger sur leurs subordonnés de province de toutes les attributions qu’ils jugeront devoir leur conférer, et de les rendre aussi libres de disposer des sommes qui leur demeureront allouées, pour le paiement de leur personnel et de leur matériel, que le sont aujourd’hui les préfets et sous-préfets pour leurs frais d’administration. Ces frais matériels, pour 86 préfectures et 273 sous-préfectures, ne sont que de 1,350,000 francs, et l’administration parisienne absorbe, à elle seule, 310,000 francs ; quelle disproportion étonnante ! On aurait préalablement supprimé les trois ministères des travaux publics, de l’agriculture et du commerce, et on les aurait transformés en trois directions générales, placées sous les ordres d’hommes compétens, et rattachées comme autrefois au ministère de l’intérieur ; ce qui aurait, entre autres avantages, celui de soustraire ces services à l’action immédiate d’une politique parfois incohérente, et de restreindre l’action de l’état dans des matières qui ont été l’objet d’une centralisation souvent funeste et toujours inutile.

Le ministère de l’intérieur, avec ses huit directions, serait encore bien moins chargé que les ministères des finances ou de la guerre ; rien n’empêcherait, du reste, pour répartir plus équitablement entre les membres du cabinet le fardeau administratif, d’envoyer à la justice, aujourd’hui si légère, les deux directions de l’administration pénitentiaire et de la sûreté générale, comme on l’a fait il y a déjà longtemps en Belgique, et comme le bon sens paraît le conseiller.

Le lendemain du jour où l’on aurait signifié à chaque directeur : 1° que le budget de ses bureaux est réduit de moitié ; 2° qu’il est libre de faire de la moitié restante l’usage qui lui conviendra, à la condition d’assurer le service, on verrait se produire les phénomènes suivans : les neuf dixièmes des expéditionnaires seraient congédiés, on les remplacerait par les copies de lettres qui fonctionnent si avantageusement dans le commerce, dans la banque, dans l’industrie, et que l’état seul feint jusqu’à présent d’ignorer. Les chefs et sous-chefs de bureau, qui traitent les affaires de quelque importance, seraient presque seuls conservés ; leur travail