Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/851

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’article 1382 du code civil. On sait qu’à l’heure actuelle, pour traduire en justice à raison de ses fonctions un agent de l’état autre qu’un ministre, il faut un décret qui n’est pour ainsi dire jamais accordé ; ce principe souffre pourtant quelques exceptions : le préfet peut permettre aux particuliers de poursuivre les percepteurs, et les directeurs-généraux autorisent les procès intentés aux employés de l’enregistrement ou des forêts. Il serait juste d’aller plus loin dans la protection du droit individuel, et d’accorder aux demandeurs la faculté d’actionner les ministres devant le tribunal de leur propre résidence ; car les forcer à venir à Paris, c’est agir comme sous l’ancien régime.

Pour opérer l’ensemble des réformes que j’indique, il n’est besoin ni de changer des noms auxquels nous sommes habitués depuis cent ans, d’appeler, comme le voulaient certains auteurs de projets, en 1872, les préfets des « gouverneurs » ou des « administrateurs, » les sous-préfets, des « commissaires d’arrondissement, » ni de créer de nouveaux pouvoirs exécutif ou consultatif, comme les « conseils cantonaux, » — créer, toujours créer, lorsque déjà nous sommes encombrés de fondations diverses, de mandataires et de représentans du peuple et de l’état. — Il faut moins encore diminuer ou étendre les circonscriptions administratives (l’école qui parlait il y a vingt ans de rétablir les provinces oublie sans doute que la monarchie les avait détruites depuis près de deux siècles, en 1789, pour les remplacer par les généralités) ; mais en conservant simplement le système actuel, utilisons-le. Donnons à nos sous-préfets qui ne peuvent rien, et à nos conseils d’arrondissement qui ne font rien, de vastes attributions. Augmentons leur autorité en matière financière, ayons même un budget d’arrondissement. Confions à une commission permanente, prise dans le sein de ce conseil, le droit d’assister le sous-préfet, comme la commission départementale assiste le préfet, et nous ferons œuvre de décentralisation intelligente, et la situation de conseiller d’arrondissement ne sera plus une miette que les gros bonnets de la politique locale laissent tomber de leur table, et abandonnent aux comparses qui jouent, dans le silence et l’obscurité, le prologue et l’épilogue des sessions du conseil-général.

Il y a de fort bonnes choses dans la loi présentée par M. Goblet qui supprime 66 sous-préfectures et augmente le pouvoir des sous-préfets maintenus. Ce seraient eux qui désormais autoriseraient les citoyens à fabriquer artificiellement de l’eau minérale, à en établir des dépôts, à louer des bacs sur les rivières, à y tenir des bateaux, à déplacer le corps d’un défunt, etc. ; eux qui nommeraient les débitans de poudre, lieutenans de louveterie, gardes forestiers des communes, médecins des épidémies et autres