Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 89.djvu/900

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

reconnaîtrait, sans aucune restriction, le nouvel empire et l’empereur. Les grandes puissances paraissent résolues à ne pas reconnaître le numéro ; elles en font une question personnelle. »


IX. — LA REPONSE DE LA RUSSIE A LA NOTIFICATION DE l’EMPIRE.

La brusque évolution de l’Angleterre et l’empressement de tous les gouvernemens secondaires à reconnaître, sans réticences, le nouvel état des choses en France, avaient vivement impressionné les trois puissances. N’était-ce pas la désapprobation de leur attitude ? Elles se sentaient atteintes dans leur autorité et leur prestige en voyant les petits états si peu disposés à épouser leurs préventions et à suivre leur exemple. A Berlin et à Vienne, bien des symptômes dénotaient qu’on avait conscience de la faute commise, et qu’on regrettait d’avoir entrepris une campagne peu glorieuse, sans issue ; on se renvoyait la balle, comme il arrive toujours en cas d’insuccès. M. de Manteuffel affirmait que les sentimens de la cour de Prusse étaient les moins hostiles, et que, s’il dépendait d’elle, déjà l’empire serait reconnu ; cela ne cadrait pas avec ce qui nous était revenu de Pétersbourg. L’empereur Nicolas, peu enclin à la dissimulation, n’avait-il pas confié au général de Castelbajac qu’à Berlin il avait rencontré les plus sérieux obstacles ?

Le cabinet de Pétersbourg dédaignait les subterfuges ; il ne fit aucun effort pour dissimuler sa mauvaise humeur. Il avait conseillé au prince-président, en s’inspirant peut-être des idées qu’Alexandre Ier développait jadis à M. de Vitrolles, de ne pas changer la forme de son gouvernement, de se contenter d’une dignité viagère, et on lui notifiait, au mépris des traités de Vienne, sans tenir compte de ses observations, le rétablissement d’un empire héréditaire ! Il se sentait froissé dans son amour-propre et dans sa politique. Aussi M. de Nesselrode fît-il un froid accueil au général de Castelbajac : « Vous venez me notifier, lui dit-il, le décès de la république, je vous en fais mon compliment ; » et ce fut tout. Il se garda de protester des bons sentimens de son maître, de son désir d’entretenir avec le nouvel empereur des relations confiantes et cordiales. Il récrimina plutôt, en faisant allusion à une lettre de l’empereur Nicolas au prince, remise à M. de Kisselef, lors de son départ pour Paris, et dont la réponse était restée en souffrance. Il s’en étonnait d’autant plus qu’elle était conçue, disait-il, dans l’esprit le plus gracieux. Le message en effet était parti depuis plus de quinze jours, mais il était arrivé à sa destination le 30 novembre seulement, dans un mauvais moment, la veille de la proclamation de l’empire, et