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POÉSIE


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I.


LA PAIX DES DIEUX


Or, le Spectre dardait ses rigides prunelles
Sur l’Homme de qui l’âme errait obscurément,
Dans un âpre désir des Choses éternelles,
Et qui puisait la vie en son propre tourment.

Et l’Homme dit : — Démon ! qui hantes mes ténèbres,
Mes rêves, mes regrets, mes terreurs, mes remords,
Ô spectre, emporte-moi sur tes ailes funèbres
Hors de ce monde, loin des vivans et des morts.

Loin des globes flottant par l’Étendue immense
Où le torrent sans fin des soleils furieux
Roule ses tourbillons de flamme et de démence,
Démon ! emporte-moi jusqu’au Charnier des Dieux.

Oh ! loin, loin de la Vie aveugle où l’esprit sombre
Avec l’amas des jours stériles et des nuits,
Ouvre-moi la Cité du silence et de l’ombre,
Le sépulcre muet des Dieux évanouis.