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des deux cas : si elle a subi des détériorations, si les grains se sont brisés, si l’humidité les a pénétrés, sa force de propulsion a baissé. Bref, un grand nombre de petites causes peuvent s’être réunies pour produire des effets notables; quel que soit le soin qu’on y apporte, quel que puisse être le calme de l’atmosphère, en dépit de la perfection du pointage et de l’identité des circonstances extérieures, ce sera miracle si le second obus passe exactement dans les trous découpés par le premier sur une succession de cibles. A la guerre, plus encore qu’au polygone, il faut s’attendre à ce que les écarts observés soient considérables.

il en résulte que, d’une part, la connaissance parfaitement précise de la distance ne suffit pas à donner la hausse convenable, et que, d’autre part, cette hausse étant trouvée, il ne faut pas s’attendre à ce que, à tout coup, les obus viennent éclater exactement au même point.

Il est infiniment moins aisé qu’on ne le suppose d’apprécier la distance où on se trouve d’un point éloigné. Même la carte ne donne que d’insuffisantes indications. L’œil, fùt-il aidé d’une lorgnette, est le jouet de décevantes illusions. Le prince de Hohenlohe, dont les écrits sont une source intarissable d’observations précises et précieuses, cite surabondamment des exemples d’erreurs commises de la sorte.


Quelque grande que soit l’expérience qu’on aura acquise à évaluer les distances, le plus ou moins de jour qu’il fait et la température même contribuent à vous induire en erreur. En général, lorsque l’ennemi tire sur vous, on est porté à la croire bien plus près qu’il ne l’est en réalité.

Il m’est arrivé, à moi tout le premier, — je crois devoir l’avouer, — de m’y laisser prendre. J’en conviens d’autant plus facilement que je ne crois pas être le seul auquel la chose soit arrivée.

C’était à Sadowa, après avoir laissé la Trotinka, je menais mes batteries à leur premier position. Je prends les devans, accompagné du chef d’escadron et des commandans de batterie. Arrivés sur le plateau où je devais m’établir, nous sommes tous unanimes à dire que 2,500 pas nous séparent de l’artillerie autrichienne, qu’elle était sur la hauteur d’Horénowes, et de ce point devenu historique, elle avait ouvert son feu. Nous ouvrîmes donc le nôtre avec la hausse de 2,500 pas. Le premier obus tiré nous montra que notre évaluation était infiniment plus faible. Au quatrième cour, pour lequel on avait pris la hausse de 4,000 pas, c’est à peine si on atteignit l’ennemi !...

On commet également des erreurs en sens contraire… Pendant une reconnaissance dans le voisinage de Nübel, dans la matinée du 10 janvier 1864, il y eut un petit engagement au cours duquel nous restâmes