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dire qu’il ne saurait y avoir d’idéalisme ou de symbolisme même sans un peu de naturalisme, qui s’y mêle pour le soutenir, pour le lester, en quelque sorte, pour l’empêcher de s’évaporer en nuage ; — et le nuage en rien.

Je crains aussi qu’en se séparant des parnassiens, c’est-à-dire de l’école du « vers bien fait» et de la « rime riche, » on ne s’en soit trop séparé.


Prends l’éloquence et tords lui son cou,
Tu feras bien, en train d’énergie,
De rendre un peu la Rime assagie ;
Si l’on n’y veille, elle ira jusqu’où?

O qui dira les torts de la Rime?
Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou,
Qui sonne creux et faux sous la lime?

PAUL VERLAINE (Romances sans paroles).



Eh oui ! si seulement, dans une langue comme la nôtre, illustrée
par tant de rimeurs, — depuis ceux de la Pléiade jusqu’à ceux du Parnasse, pour ne rien dire de leurs prédécesseurs, — il ne fallait faire attention qu’en rimant moins bien qu’eux, on sera toujours légitimement
suspect d’avoir pu moins qu’eux dans leur art. La difficulté vaincue,
qui est une partie du métier, est une part aussi, une petite part, mais
une part de l’art. Je ne dis pas cela pour M. Paul Verlaine, ou pour
M. Stéphane Mallarmé, qui ont fait jadis des vers parnassiens, mais
je suis bien obligé de le dire pour leurs imitateurs et leurs disciples
encore inconnus.


<poem>Les flots roulent la nef par leurs vais de délices,
Mais la Dame d’Azur pâlit et s’évapore.
Les lilas d’autrefois se sont mués en lys,
Rêves-tu du sommeil ingénu dans le port?

CHARLES VIGNIER (Centon).


ou encore :


<poem>Et j’irai le long de la mer éternelle Qui bave et gémit en les roches concaves, En tordant sa queue en les roches concaves, J’irai tout le long de la mer éternelle.

JEAN MOREAS (les Cantilènes).


Le procédé, vraiment, est trop simple. On ne saurait être un écrivain sans, un peu de grammaire et si l’on peut s’en passer quelquefois, ce