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Montpellier, à Marseille, à Lyon, à Nevers, à Bourges, à Tours, c’est-à-dire dans toute la France que l’invasion ne foulait pas aux pieds, se mirent en rapport avec les comités internationaux de Bruxelles et de Bâle, de façon à entrer en communications secourables avec nos soldats prisonniers au-delà du Rhin. On put de la sorte entretenir avec ces malheureux une correspondance sur des cartes postales que fournissait l’Allemagne et que la poste française transportait gratuitement. On ne se contenta pas d’un échange de lettres, l’on expédia de l’argent et des vêtemens. La Société de secours poussa la régularité jusqu’à restituer aux familles des captifs les diverses sommes, montant à 6,000 francs, qui, égarées au milieu de la confusion générale, n’étaient point parvenues à destination. Les notes recueillies dans les lazarets d’Allemagne, dans les hôpitaux et dans les ambulances de France, collationnées et mises en ordre, ont permis au docteur Chenu d’écrire les deux volumes que j’ai cités.

A Paris, pendant la période d’investissement, la Société de secours fut sans trêve à la peine. En dehors des baraquemens qu’elle avait fait construire au Gours-la-Reine, de ses ambulances fixes du Palais de l’Industrie, du Grand-Hôtel, du Corps législatif, du Palais des Tuileries, des ambulances de passage de la gare de l’Est, de la gare du Nord, elle s’affilia 350 ambulances privées qu’elle soutint de ses subventions et que visitaient ses médecins. Son devoir était non pas seulement d’accueillir les blessés et de leur prodiguer des soins, mais d’aller les chercher sur le champ de bataille, de les découvrir dans les replis de terrain où ils se sont traînés, et de les rapporter en lieu sûr. Dans l’accomplissement de ce devoir, qui n’était point sans péril, elle fut impassible. Elle avait organisé 12 ambulances volantes composées de 150 voitures et desservies par un personnel sanitaire auquel les aumôniers ne manquaient pas. Le père Allard, que la commune fusilla dans le chemin de ronde de la Grande-Roquette, en compagnie de Mgr Darboy et du président Bonjean, fut un des prêtres dévoués qui allaient, à travers les paquets de mitraille, ramasser les blessés ou leur donner les consolations suprêmes. Ces ambulances mobiles, accompagnées d’un corps de brancardiers, ont arraché bien des malheureux à la mort. Au jour du combat, les voitures se rapprochaient le plus possible du lieu de la lutte; l’une d’elles restait stationnaire, et son étendard blanc, portant la croix de gueules en abîme, servait de signe de ralliement aux autres, qui se dirigeaient sur les points où la violence du feu entassait les blessés. Le triste cortège rentrait dans Paris, certain qu’il n’avait oublié personne et que nul de nos soldats ne serait obligé d’attendre quatre jours, comme à Solferino, pour être relevé. En outre de ce service exceptionnel, réservé