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Croix rouge, entre Paris et Meulan. Il s’agissait de mouvoir un train sanitaire « improvisé » et d’étudier le meilleur système de brancards et de couchettes. La compagnie de l’Ouest avait mis trois wagons à bagages à la disposition des délégués, qui n’ont pas dû faire un voyage dénué de fatigue, car le mécanicien avait reçu pour instructions de multiplier les variations de vitesse, les tamponnemens et les brusques arrêts. On voulait se rendre compte du degré de résistance des brancards mis à l’essai et des oscillations auxquelles ils étaient exposés. Le meilleur appareil de trans- port pour un blessé qui redoute les secousses est le brancard à sommier de toile, suspendu et arrimé par des cordages au plafond, au plancher, aux parois latérales du wagon. J’en ai fait l’expérience pour un de mes amis; mais ce mode de transport exige l’emploi d’un wagon tout entier : il est, par conséquent, beaucoup trop dispendieux, beaucoup trop encombrant pour pouvoir être employé dans une évacuation nombreuse. Depuis ce voyage d’expérimentation, que je ne rappelle qu’afin de prouver avec quel soin toute amélioration est étudiée par la Société de secours, de grands progrès ont été réalisés pour l’aménagement des blessés dans les wagons. C’est aux ingénieurs des chemins de fer, aux chefs de traction qu’il convient de se fier ; ils connaissent leur matériel, ils en ont l’habitude et savent ce que l’on en peut exiger. Là où un médecin sera embarrassé pour caser quatre malades, un employé intelligent en placera six ou huit sans préjudice pour eux. Le jour où le problème sera sérieusement attaqué par les ingénieurs des voies ferrées, on peut être certain qu’il sera résolu. Ne l’est-il pas déjà? Jusqu’à présent, on n’était parvenu qu’à installer six blessés par wagon. Au mois de juillet dernier (1888) M. Ameline, ingénieur de la compagnie des chemins de fer de l’Ouest, a expérimenté, avec succès, un nouveau système ou une nouvelle méthode de suspension de brancards qui permet de réunir, sans inconvénient, dix et même douze blessés dans le même wagon. C’est là un résultat précieux qui doublera la rapidité des évacuations sanitaires sur les centres hospitaliers[1].

  1. Le règlement sur le service sanitaire de l’armée prescrit les « dispositions concernant les trains sanitaires improvisés. » Le train est composé, au maximum, de 35 wagons, dont 23 sont réservés aux blessés et aux malades ; en prenant une moyenne de dix personnes pour chacun des wagons à bagages, un train pourra transporter 230 blessés. Cette limite est, je crois, dépassée en Allemagne, mais je ne puis donner que des chiffres approximatifs; la statistique allemande compte par essieu, ce qui n’a rien de précis, car certains wagons sont munis de 2 essieux, d’autres de 3; le calcul ne sera donc pas absolument exact. Les ordonnances relatives à l’exploitation des voies ferrées donnent les chiffres suivans : trains de marchandises, 150 essieux, soit, avec certitude, 75 wagons à 2 essieux; trains de voyageurs, 100 essieux; trains militaires ou trains mixtes (marchandises et voyageurs), 110 essieux. D’après un renseignement verbal, un train sanitaire allemand improvisé peut transporter 300 blessés. Nous avons dit plus haut que, pendant la guerre de 1870, la Croix rouge de Prusse a pu expédier 900 blesses par un seul train.