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contre le bivouac, qui, protégé par ses grand’gardes, ne s’en inquiéta guère. Les affaires les plus vives eurent lieu le 21 et le 31 mai. Elles eurent pour effet la soumission plus ou moins sincère des tribus les plus belliqueuses. Le 4 juin, la colonne pénétra chez les fameux Beni-Toufout, renommés pour leur turbulence et leur sauvagerie; le 10, ils apportaient leurs douros d’amende. Le 11, le général de Mac-Mahon entrait dans Collo. Ses premières instructions lui prescrivaient d’y faire une installation définitive; mais il lui était arrivé de Philippeville des nouvelles graves et d’Alger de nouveaux ordres. Une insurrection avait éclaté dans l’est de la province de Constantine ; le gouverneur ordonnait d’y envoyer d’urgence le général d’Autemarre avec la moitié de sa brigade, de surseoir à l’occupation de Collo, mais d’achever aux alentours la soumission de la montagne. Des contingens nombreux s’étaient donné rendez-vous sur le Djebel-Gouffi; ils s’y croyaient inexpugnables. Le général de Mac-Mahon leur en donna le démenti ; il les en fit déloger le 17 juin, et, comme ce fut fini de la résistance, il reprit le chemin de Constantine, où il rentra le 3 juillet.

Si l’on veut juger, non de la conduite, qui fut excellente, mais de la valeur effective de cette opération, il faut entendre celui qui, après le général de Mac-Mahon, y eut la plus grande part. Voici ce que le général Bosquet écrivait, d’abord le 5 juin, à sa mère: « La campagne de l’an passé, conduite par le célèbre M. de Saint-Arnaud, au lieu de préparer le pays à la soumission, n’y a laissé que des semences d’irritation et d’espoir d’indépendance. Cet étalage d’heureux succès, dont les journaux ont assourdi leurs lecteurs à l’époque en question, fait honneur à l’imagination de celui et de ceux qui les ont inventés. La vérité est pour nous et malheureusement qu’il y aurait plutôt un blâme à infliger. Les mauvaises manœuvres de l’an dernier rendent aujourd’hui notre tâche plus difficile ; » puis, le 11 juin : « Nous sommes arrivés dans les montagnes voisines de Collo, à travers un chaos de hauteurs et de ravins, et de Kabyles défendant bravement leur pays. Ce sera une longue opération de plusieurs années que de soumettre ces montagnards. L’an passé, pour faire une position à M. de Saint-Arnaud, on a cru utile de tromper la France et de lui conter que la Kabylie orientale était à peu près soumise; le tour est fait, comme on dit dans ce monde-là, mais ici la chose n’est pas faite. Nous en avons ébauché une petite partie avec de grands efforts. Je crois que la campagne va être interrompue par des mouvemens d’insurrection qui s’ développent sur la frontière de Tunis et dont le caractère devient très sérieux. »

Dans la nuit du 1er au 2 juin, dix hommes du 10e de ligne, qui gardaient un caravansérail en construction à quelques lieues de Ghelma, s’étaient vus subitement assaillis par une bande d’insurgés