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les rencontres, notamment le 15 mai et le 24 juin. Ce. fut seulement alors que ces montagnards, qui prétendaient à l’indépendance, sollicitèrent l’intervention d’un représentant de l’empereur Mouley-Abd-er-Rahmane, le kaïd Si-Abd-es-Sadoc, personnage muet jusqu’alors et spectateur impassible des événemens. Le 1er juillet, il se présenta au général Montauban, et, sans observations, sans récriminations, souscrivit, au nom des Beni-Snassen, à toutes les conditions qu’il plut au général de leur imposer.

C’était d’ailleurs peu de chose que ces épisodes des frontières de l’est et de l’ouest en comparaison des incidens graves qui agitaient la région profondément troublée du sud.


II.

A dix années de date en arrière, en 1842, dans la province d’Oran, un aventurier issu des Ouled-Sidi-Cheikh, nommé, comme tous les prétendus « maîtres de l’heure, » Mohammed-ben-Abdallah, s’était produit et posé en rival d’Abd-el-Kader. Il avait pris d’abord le titre de sultan, mais comme il n’avait ni par ses succès personnels, ni par l’action de ses adhérens peu nombreux, justifié son ambition trop haute, il était descendu, avec l’agrément des Français, au rang déjà trop considérable de khalifa de Tlemcen. Par ses prétentions et ses contradictions, il s’était rendu si insupportable au général Bedeau, puis au général Cavaignac, que, sur les instances de celui-ci, le maréchal Bugeaud, en 1845, conseilla paternellement au khalifa d’aller chercher son titre de hadj à La Mecque et lui fournit largement les moyens de s’y rendre. On s’en crut débarrassé ; point du tout.

Après trois années de séjour dans les villes saintes, le pèlerin reprit, par la Tripolitaine et la Tunisie, le chemin de l’Algérie ; mais au lieu de rentrer dans le Tell, sous la domination française, il s’établit en observation, très loin au sud, à 190 lieues d’Alger, dans la zaouïa de Rouissat, qui dépendait de la grande oasis d’Ouargla. Depuis la disparition d’Abd-el-Kader, dans le drame qui mettait aux prises musulmans et roumi, la scène était vide, ou plutôt le premier rôle n’avait plus d’interprète. Mohammed se flatta d’en pouvoir faire le personnage et s’y prépara pendant trois années encore, en étonnant, en gagnant, en fascinant par ses prédications et ses pratiques religieuses les nomades sahariens.

Quand il crut le moment propice, il sortit de sa retraite, au mois de décembre 1851, et, suivi d’une troupe déjà nombreuse, s’avança au nord-ouest, par le Mzab. Dans tout le désert, on ne parlait plus que du chérif d’Ouargla ; c’est le titre qui lui fut désormais acquis. Le principal cheikh des Larbâ vint à lui avec la plus grande partie