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de sa tribu, et les Ouled-Naïl commencèrent à s’agiter. L’agha du Djebel-Amour voulut arrêter ses progrès ; mais, trahi par son propre goum, il fut battu à Berriane et se trouva trop heureux de gagner Laghouat. Au reçu de ces étonnantes nouvelles, le général Randon donna au général de Ladmirault, commandant la subdivision de Médéa, l’ordre de réunir à Boghar deux bataillons du 12e de ligne, les tirailleurs indigènes d’Alger, quatre escadrons, moitié chasseurs d’Afrique et moitié spahis, de se mettre à la tête de cette colonne et de se porter en avant de Laghouat, découvert par la défection des Larbâ.

Parti de Boghar le 17 février 1852, le général de Ladmirault passa par Taguine, rassura les Ouled-Naïl, visita le Djebel-Amour, et vint s’établir à Ksar-el-Aïrane, à l’est de Laghouat. Dans le même temps, le commandant Deligny, avec une petite colonne sortie de Mascara, traversait rapidement la région des Chott, les montagnes des Ksour, apparaissait au milieu des Ouled-Sidi-Cheikh, leur enjoignait de reporter leurs campemens au nord, et ramenait avec lui leur chef Si-Hamza, qu’on soupçonnait de connivence avec le chérif. Quant à celui-ci, le général de Ladmirault perdit toute espérance de l’atteindre et dut se borner à renforcer l’autorité des chefs indigènes sur les populations dont la fidélité n’était pas solide. A la place du vieux Ben-Salem,-un nouveau bach-agha fut institué avec autorité sur Laghouat et les oasis voisines, sur les Ouled-Naïl et les Larbâ demeurés fidèles ; puis, les chaleurs commençant à fatiguer les troupes, le général ramena, le 2 mai, sa colonne à Boghar, où elle fut dissoute.

A l’approche des Français, le chérif s’était replié dans le désert; mais, après s’être ravitaillé à Tougourte, il pointa droit au nord, vers le Zab. Le chef de bataillon Collineau commandait à Biskra ; c’était un soldat énergique et décidé. Dans la soirée du 21 mai, il sortit à la rencontre du chérif ; il n’avait avec lui que 54 chasseurs d’Afrique, 32 spahis et 80 cavaliers de la smala du Cheikh-el-Arab. Le lendemain matin, il rallia 700 chevaux des goums qu’il avait envoyés en reconnaissance ; rien n’était encore en vue quand tout à coup, vers le milieu du jour, une vedette signala une grosse troupe à Mlili, près de l’Oued-Djeddi. Il y avait bien là 2,500 cavaliers et gens de pied. Les goums hésitaient ; à la tête des chasseurs, des spahis et des hommes du Cheikh-el-Arab, le commandant fit sonner la charge ; ce fut une vraie mêlée ; le chérif, attaqué corps à corps par un brigadier de chasseurs, reçut deux coups de sabre, tourna bride et ne fut que difficilement sauvé par les siens. Toute la bande fuyait en déroute, laissant 150 morts sur le champ de bataille.

Ce coup de vigueur retentit dans tout le Sahara, de Tougourte à Figuig; pendant quatre mois, aucun souffle de révolte ne troubla le