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démarche n’avait été fière ; il aurait dû penser que l’empereur ne se déciderait pas à faire subir au maréchal de Saint-Arnaud un second échec. Le 6 mai, le général Rivet écrivait au colonel Durrieu : « l’empereur m’a écouté très attentivement et a dit à plusieurs reprises : « C’est bien tentant, mais… mais… » Ces mais devaient triompher parce qu’il y avait parti-pris. Je suis revenu avec un mezzo termine. Nous allons attaquer la Kabylie des Babors avec quatorze bataillons, dont sept de zouaves, et refaire ce que le maréchal de Saint-Arnaud n’a fait qu’effleurer. Il y aura deux divisions, Bosquet et Mac-Mahon. »

On sait ce qu’est la Kabylie des Babors ou Petite-Kabylie ; à proprement parler, elle s’étend de l’Oued-Sahel à l’Oued-Kebir ; mais dans une plus grande extension, on y peut comprendre la montagne entre l’Oued-Kebir et Philippeville. Des troupes empruntées aux trois provinces furent concentrées à Sétif. Elles formèrent deux divisions ainsi composées : première division, généra! de Mac-Mahon ; 1re brigade, général Pâté : 1er et 3e zouaves ; 2e brigade, colonel Thomas : 11e léger, tirailleurs indigènes. Deuxième division, général Bosquet ; 1re brigade, colonel Vinoy : 2e zouaves, 68e de ligne, 7e bataillon de chasseurs ; 2e brigade, colonel de Failly : 20e de ligne, un bataillon du 3e zouaves. L’effectif total de cette infanterie était de 10,000 hommes. La cavalerie, répartie entre les deux divisions, n’était représentée que par un escadron de spahis ; l’artillerie ne comptait que deux sections d’obusiers de montagne avec une section de fuséens ; le génie était représenté par 300 sapeurs.

Afin d’empêcher le Djurdjura de prêter aide aux Babors, le gouverneur prescrivit au général Camou d’établir, avec quatre bataillons, un escadron et une section de montagne, un camp d’observation à Dra-el-Mizane. D’autre part, entre Sétif et Mila, le célèbre cheikh du Ferdjioua Bou-Akkas dut faire, sous la surveillance du commandant de Neveu, la police du pays limitrophe de la Petite-Kabylie. « Bou-Akkas, disait le gouverneur, a tout intérêt à ce que nous soumettions les tribus hostiles qui l’avoisinent, et c’est là-dessus que je compte surtout pour l’exécution de ses engagemens.»

Débarqué, le 10 mai, à Bougie, le général Randon prit aussitôt la route de Sétif. Le 13, il passa en revue le corps expéditionnaire ; le 18, il se mit en campagne. Les deux divisions se séparèrent pour opérer, la première sur la rive droite de l’Oued-Agrioun, la seconde sur la rive gauche. Celle-ci eut à forcer, le 21 mai, le col de Tizi-Sakka, d’où elle descendit, par le versant septentrional des Babors, vers la mer. Le 4 juin, elle fit sa jonction avec la première division, qui n’avait pas rencontré beaucoup plus de résistance.