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tirée à son honneur. Il est vrai de dire que les circonstances étaient exceptionnellement favorables : mer libre, communications avec la mère-patrie assurées comme en temps de paix, caractère et qualité des alliances. L’Arabe, qui avait détesté le Turc dominateur d’Alger, ne voyait plus dans le Turc de Stamboul qu’un coreligionnaire, un vrai croyant, un frère en Islam, et l’on crut d’abord dans les douars qu’en envoyant ses troupes à l’aide du sultan, l’empereur Napoléon III n’avait fait que se soumettre aux obligations d’un vassal.

Ce qu’il y eut de plus remarquable, ce fut l’empressement des tirailleurs indigènes à réclamer une place dans l’expédition d’Orient. Il s’en présenta plus de 2,000, qui formèrent un régiment nouveau dans les cadres de l’armée française. Les Maures citadins lui offrirent un drapeau dont les broderies magnifiques figuraient, d’un côté, les armes d’Alger, le lion et le palmier, surmontées de l’aigle impériale, et reproduisaient, de l’autre, en caractères arabes, la devise suivante : « Cet étendard brillera dans les champs de la gloire et volera au succès avec l’assistance divine. C’est l’œuvre des musulmans d’Alger, offerte aux soldats indigènes faisant partie des troupes françaises qui marchent au secours de l’empire ottoman. An 1270. » A cet emblème trop spécial et, qu’on nous passe le mot, particulariste, l’autorité militaire fit substituer le drapeau national.

En trois mois, demarsàjuin1854, l’Algérie vit partir pour Gallipoli et Varna 24,450 hommes de vieille infanterie et 1,630 cavaliers, chasseurs d’Afrique et spahis. D’un effectif général de 75,000 hommes, l’armée d’Afrique était donc réduite à moins de 50,000. C’était un affaiblissement connu de tous et dont les fauteurs de révoltes devaient être tentés de tirer profit ; cependant tout demeura tranquille, sauf sur un point. Bou-Baghla qui, depuis deux ans, se tenait caché au fond de la Grande-Kabylie, sortit de sa retraite et sema l’agitation sur la rive droite du Boubekir, qui est le haut Sebaou. Le bach-agha Bel-Kassem fit les plus sincères efforts pour barrer la route à l’insurrection, mais il fut débordé. Si l’on voulait empêcher le feu d’embraser tout le sahel montagneux de Bougie à Dellys, il n’y avait pas de temps à perdre.

Le gouverneur envoya au général de Mac-Mahon, commandant la division de Constantine, l’ordre de constituer à Sétif une colonne de sept bataillons, et fit partir d’Alger pour Tizi-Ouzou le général Camou. La division réunie sous les ordres de ce général, et d’un effectif de 6,570 hommes, comprenait : 1re brigade, général Pâté, 11e léger, un bataillon du 1er zouaves; 2e brigade, général Bosc, 25e léger, 69e de ligne. Dans la division Mac-Mahon, d’un effectif de 5,160 hommes, la 1re brigade, général Maissiat, comprenait :