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La première était forte de 2,300 hommes, la seconde en comptait 1,800; deux convois, comprenant ensemble plus de 2,000 chameaux, portaient les réserves de vivres, d’eau et de munitions. Avec elles marchaient les goums des tribus fidèles. Les opérations, commencées dans la seconde quinzaine du mois de mars, se prolongèrent jusque dans les premiers jours de mai. Il n’y eut pas d’action sérieuse, parce que les Hamyane, fuyant devant les Français, finirent par se réfugier sur le territoire du Maroc. Arrivé dans la région montagneuse des Ksour, à la limite du Sahara, le général Pélissier fit un premier exemple sur Tiout, qui avait fermé ses portes aux coureurs de la colonne et qu’on savait être le principal dépôt des approvisionnemens de Ben-Tayeb. Le ksar était évacué, mais les maisons étaient remplies de blé, d’orge, de dattes et de raisins secs. Pendant trois jours elles furent vidées, au profit des troupes, et surtout des auxiliaires. Moghar-Tahtani et Moghar-Foukani, qui avaient, en 1847, massacré les parlementaires envoyés par le général Cavaignac, furent pillés et rasés, à l’exception des mosquées et des koubbas ; les jardins furent détruits, les palmiers abattus. Aïn-Sefra, Aïn-Sfisifa, moins coupables, ne furent pas aussi rigoureusement traités ; mais leurs magasins d’orge et de blé furent vidés comme ceux de Tiout. Avant de regagner le Tell, le général Pélissier constitua deux colonnes mobiles, l’une à El-Aricha, l’autre au Kheider, afin d’empêcher les émigrans de rentrer sur leur territoire sans avoir fait leur soumission d’abord. Deux mois plus tard, cette condition ayant été acceptée par la plus grande partie des dissidens, les colonnes mobiles furent rappelées dans leurs garnisons accoutumées.

Pendant que les généraux Pélissier et Mac-Mahon opéraient dans le sud-ouest de la province d’Oran, les Ouled-Djounès du Dahra, les Ouled-Deradj du Hodna, les Beni-Selim du Titteri, avaient été respectivement ramenés à l’obéissance par le général Bosquet, par les colonels Carbuccia et de Barral, agissant de concert, et par le colonel Daumas. Ces tribus inquiètes avaient été facilement soumises ; mais à mesure qu’on se rapprochait de la Kabylie, on rencontrait plus d’agitation, plus de résistance, plus d’obstacles, et la répression exigeait une action plus vigoureuse. Trois opérations, l’une intérieure, les deux autres extérieures, durent être exécutées presque simultanément dans cette région difficile.

L’opération intérieure fut la première en date. Elle eut pour base Bougie, qui était pour la centième fois serrée de près par les Kabyles. Venu d’Alger par mer avec des renforts, le général de Saint-Arnaud sortit, le 13 mai, de la place, à la tête d’une colonne de 1,800 hommes, pour attaquer dans les montagnes la confédération des Beni-Slimane, la plus puissante et la plus hostile aux Français. Dans le même temps,