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pour rien; il réunit ses sujets, les Malgaches, les Hovas, les Seclaves, les Antavars, les Betimsaras, et leur fit prêter serment de fidélité à la confédération de Bar, ce qui ne souleva aucune difficulté parmi les indigènes. Lorsqu’il fut tué par les Français, en 1785, il n’avait que quarante-quatre ans. Certes, ce n’est point pour rechercher ses restes et les vestiges de sa domination éphémère, ce n’est pas non plus pour donner force de loi à l’édit royal de 1642, qui déclarait Madagascar dépendance de la couronne de France, que nous avons débarqué nos troupes sur ces côtes. J’imagine que c’est plutôt pour saisir et pour garder la rade de Diego-Suarez, une des plus belles, une des plus sûres du monde. Nos matelots, nos fantassins de marine, — mathurins et marsouins, — n’ont point failli au devoir; ils ne se sont point demandé si la cause était juste, si l’on avait le droit de s’imposer à des populations qui n’avaient adressé aucun appel à des élémens étrangers ; ils ont mis au service du pays leur bravoure et leur dévoûment; ils ont obéi sachant qu’ils devaient obéir, et ne se souciant de rien que de bien faire leur métier de marins et de soldats. Ils combattaient au nom de la France : notre Croix rouge ne les oublia pas, et ils reçurent les secours auxquels ils avaient droit. L’agression contre le Tonkin, l’Annam, Formose, Madagascar, est désignée, dans les procès-verbaux de la Société, sous la dénomination de campagne de l’extrême Orient. Or, du 30 juin 1883 au 30 juin 1888, cette campagne a été l’objet de 130 expéditions de matériel, de vêtemens, de vivres, de linge, de tabac, de boissons et de livres[1]. On n’a rien omis, car à côté de 60,542 bouteilles de vin, de 8,743 bouteilles de liqueurs alcooliques, je vois figurer des moustiquaires et des appareils à fabriquer la glace. Les envois d’argent se sont élevés à la somme de 51,500 francs, dont une partie a été consacrée à l’aménagement d’une petite flottille appropriée au transport des blessés par eau.

J’ai lu attentivement et avec intérêt la liste des objets que notre Croix rouge expédie à nos soldats qui font campagne contre les Arabes, contre les Madécasses, contre les Pavillons-Noirs; le choix en est judicieux, mais on devine tout de suite qu’il est limité; ces objets ne sont et ne peuvent être qu’extra-réglementaires. Or, parmi les effets « d’ordonnance » adoptés par le ministère de la guerre, uniformément reproduits sur un modèle déterminé, il en est un que la Société de secours n’a pas le droit de distribuer ; je

  1. 53 expéditions ont été faites par le conseil central de la Société de secours aux blessés et 77 par les comités de province: Le Havre, 11; Nancy, 10; Bordeaux, 8 ; Lille, 7; Marseille, 10; Toulon, 6; Cherbourg, 5; Grenoble, 5; Châlons-sur-Saône, 2; Tourcoing, 2; Rennes, Montpellier, Toulouse, Pau, Oran, Troyes, Lorient, Calais, Hazebrouck, Blois, Montauban, chacun 1.