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tenir en éveil, si nous avons à cœur de n’avoir que des imitateurs ou des émules sur le terrain de la charité[1]. » Non, notre Société de secours aux blessés n’a pas à être inquiète; elle poursuit sa mission et ne s’en laisse point détourner; ses opérations pendant la dernière année sont là pour le démontrer. Les sommes distribuées en secours s’élèvent à 131,381 francs, représentant des allocations renouvelables et des envois faits au Tonkin. L’organisation des infirmeries de gare a été continuée avec activité; sur trente-cinq points du territoire, « sièges d’un transit fréquent ou de bifurcations importantes, » une réserve de médicamens ou de ravitaillement est installée, prête à donner aide à des trains n’emportant pas moins de 200 blessés; le personnel supérieur de ces infirmeries est désigné dès à présent; les médecins et les aumôniers savent qu’au premier signal ils doivent se rendre à leur poste, et ils s’y rendront. Dans les gares mêmes, à portée du convoi qui s’arrête, un local est réservé aux mandataires de la Croix rouge; ceux-ci ne manqueront pas au jour de la compassion; le clergé se promet sans réserve; un évoque a écrit : « Je veux m’inscrire au premier rang de vos infirmiers. »

La Société ne s’est pas contentée de se préparer à réconforter les blessés évacués par les chemins de fer et à les confier aux 600 médecins qui forment son état-major scientifique, elle s’est assurée, dans presque tous les départemens, de locaux où elle pourrait établir des ambulances qui permettraient de soigner les malades loin des champs de bataille, de les disséminer, d’éviter l’agglomération propice aux épidémies et de les maintenir dans des conditions hygiéniques exceptionnellement favorables. Partout elle a vu ses demandes accueillies avec empressement ; les villas, les communautés religieuses, les écoles, les manufactures, les châteaux, loin de se refuser, se sont offerts, mus par un sentiment de charité et aussi peut-être par le désir de s’abriter sous la sauvegarde de la Croix de Genève, qui garantit la neutralité des établissemens hospitaliers. Pour meubler ces maisons et les rendre aptes à recevoir les blessés de l’avenir, on s’est adressé à la générosité du bon peuple de France. Actuellement, on est en possession d’engagemens fermes qui garantissent 30,000 lits à la première réquisition. Quelques comités de province ont, en cette circonstance, déployé une activité que l’on ne saurait trop proposer en exemple. Dans l’Ille-et-Vilaine, M. Armand Duval fait souscrire des promesses pour plus de 5,000 lits; la ville de Lyon en réunit 3,000; à Reims, M. Adolphe Dauphinot taxe la valeur d’une couchette de blessé à

  1. Compte-rendu des opérations de la Société pendant l’exercice 1887-1888, présenté au conseil parle maréchal de Mac-Mahon, pages 18 et 19.